Témoignages de musiciens et de voyageurs

De Lamentations de Jérémie.

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* <big>'''[[Un témoignage français d'un voyage en Italie au début du XIXe siècle]]'''</big>
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* <big>'''[[La Semaine Sainte et Louis Aragon]]'''</big>
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* <big>'''[[Félix Mendelssohn en 1831]]'''</big>
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* <big>'''[[Le voyage du vicomte Louis de Bélizal en 1858]]'''</big>
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* <big>'''[[et celui de l'abbé Victor-Alfred Dumax  l'année suivante]]'''</big>
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* <big>'''[[La Semaine sainte de Celler en 1863]]'''</big>
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* <big>'''[[et d'Hippolyte Taine l'année suivante]]'''</big>
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* <big>'''[[Le témoignage d'Henri Durant en 1869]]'''</big>
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* <big>'''[[Le voyage de Renouard en 1880]]'''</big>
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* <big>'''[[Le témoignage de Lucie Félix-Faure en 1894]]'''</big>
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Le voyage de Renouard en 1880
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Ces quelques témoignages, en faisant abstraction de quelques situations épisodiques, permettent de relever qu'au XIX<sup>e</sup> siècle, ces témoignages étant tous de ce siècle, on attachait encore beaucoup d'importance aux cérémonies de la Semaine Sainte.
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Aul Renouard, dessinateur et peintre, lors de son voyage qu'il fit à Rome vers la fin des années 1880 , raconte au travers de son séjour ce que sont d'après lui les Ténèbres, mais au travers de ce récit, parvient à nous convaincre d'une époque révolue et d'une autre à faire. L'office du Mercredi Saint, célébré jadis pendant la nuit, forme une partie de la liturgie du lendemain et en a conservé le nom vulgaire de Ténèbres. Les Italiens en ont donné cette belle définition : "Uffizio di lutto, e come la representasione dei funerali del Redentore"… Tout est triste et sombre, comme à des funérailles.
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* <big>'''[[Quelques témoignages plus récents]]'''</big>
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A la Sixtine, où toutes les bougies de l'autel et de la balustrade étaient de couleur jaune où, dans le Sanctuaire, du côté de l'Épître, se dressait, avec ses quinze cierges jaunes, le grand chandelier de bronze triangulaire, la Hercia, dont un cierge devait à la fin de chaque psaume être éteint par le maître des cérémonies, l'autel, surmonté d'un dais de velours violet, avait son retable couvert d'un voile de même couleur… La cérémonie prenait un caractère tout étrange et mystérieux quand, dans la chapelle envahie par la nuit, les cierges de la Hercia, l'un après l'autre, s'éteignaient, symbolisant chacun des patriarches et des prophètes dont la mission d'annoncement est accomplie par le psaume récité, et dont la lumière n'y survit point ; durant que l'on chantait le cantique de Zaccharie, le père de Jean, le précurseur, les cierges de l'autel s'éteignaient eux aussi, et seul sur la Hercia, le plus grand cierge, symbole du Sauveur, brillait, moins comme une lumière que comme une étoile !
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Ce cierge même, le cérémoniaire le prenait ; pendant le chant de l'antienne qui se répète après. le cantique, il le tenait appuyé sur l'autel, puis il partait, et sans l'éteindre, le cachait derrière l'autel. L'oraison qui suit le Miserere étant achevée, après ces mots : Qui Tecum vivit, un des maîtres des cérémonies frappait la terre avec une baguette noire, et sur ce signal, tous les assistants s'empressaient à faire du bruit "cum manu vel alio quodam modo", ainsi que dit Guillaume Durand, évêque de Mende, l'auteur du Rationale divinorum officiorum. Le bruit ne cessait que lorsque le cierge conservé derrière l'autel reparaissait et que cette lumière nouvelle annonçait que l'office était terminé…
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Sauf le cadre incomparable et ces détails d'ornements qu'on a notés, cet office du Mercredi Saint est familier à tous les catholiques, mais ce qui était incomparable à la Sixtine, c'était le chant, ce chant étrange et unique que l'on retrouvé à la chapelle cardinalice de Sainte-Marie-Majeure. Il est vrai que le cadre n'est plus le même, que la pompe est moindre, que, dans l'immense basilique, le recueillement s'affaiblit, qu'on vient là plus au spectacle qu'à l'office ; que, sur les chaises disposées pour les membres du Corps diplomatique, prennent place plus de ministres accrédités près le roi d'Italie que de ministres accrédités près le Pape ; que, sauf l'ambassadeur d'Espagne, témoin obligé des cérémonies, puisque le roi d'Espagne est ici chanoine d'honneur, comme le roi de France l'était à Saint-Jean-de-Latran, la plupart de ceux qui envahissent les places réservées, hommes et femmes, appartiennent à ce public bigarré qui joue les ambassadeurs dans les environs du Quirinal et qui, y trouvant les plaisirs un peu rares, se rejette sans façon sur les plaisirs du Vatican, mais c'est ainsi et, de même qu'il nourrit les pauvres du roi d'Italie, le Pape est, paraît-il, chargé d'amuser ses invités.
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1890, c'est aussi la grande époque d'Alessandro Moreschi, le célèbre soprano, sopraniste comme on dit aujourd'hui. Paul Renouard rapporte des propos de MM. de Goncourt qu'il ne saurait essayer après eux de mieux traduire... "Les voix ne cessaient pas, disent-ils, des voix d'airain, des voix qui jetaient sur les versets le bruit sourd de la terre sur un cercueil, des voix d'un tendre aigu, des voix de cristal qui se brisaient, des voix qui s'enflaient d'un ruisseau de larmes, des voix qui s'envolaient l'une autour de l'autre, des voix dolentes où montait et descendait une plainte chevrotante, des voix pathétiques, des voix de supplication adorante qu'emportait l'ouragan du plain-chant, des voix tressaillantes dans des vocalises de sanglots, des voix dont le vif élancement retombait tout à coup à un abîme de silence d'où rejaillissaient aussitôt d'autres voix sonores, des voix étranges et troublantes, des voix flûtées et mouillées, des voix entre l'enfant et la femme, des voix d'hommes féminisés, des voix d'un enrouement que ferait dans un gosier une mue angélique, des voix neutres et sans sexe, des voix vierges et martyres, des voix fragiles et poignantes attaquant les nerfs avec l'imprévu et l'anti-naturel du soli."
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Puis plus loin, pour la journée du Jeudi Saint, il décrit un autre tableau qui se finit par un ton moralisateur qu'on pourrait appliquer encore aujourd'hui : vers cinq heures, le beau monde revient à Saint-Pierre, il y a corso et les gens de bon ton s'y promènent. On s'y rencontre, on s'y salue, on y bavarde, on y a sa société, son monde, ses attentifs ; on y remarque les toilettes, toutes noires, mais où l'on sait mieux encore se distinguer. Il y a des Anglais qui se poussent dans la chapelle des Chanoines où l'on chante Ténèbres, mais il n'est pas de bon ton de s'y faire voir. On n'élève pas la voix ; mais sur toute cette foule causante plane un bruit confus, comme un ronronnement perdu sous l'immensité des voûtes, dans l'immensité de la Basilique. Il n'y a point que des noirs pour être là. L'idée de respecter au moins saint Pierre n'est point venue à la nouvelle Cour...
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La piété des gens d'une certaine classe, à Rome, va chaque jour diminuant. Elle était d'extérieur, d'obligation et d'ambition, elle demeure encore d'usage, mais seulement pour des pratiques point gênantes et où il ne faille point s'absorber. On en donne à Dieu pour ce qu'il rapporte, et comme il ne rapporte guère, on lui donne peu.
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Le témoignage de Lucie Félix-Faure
 
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E son côté, Lucie Félix-Faure , fille de l'ancien président de la République du même nom, femme de lettres et critique de son temps donne une description très littéraire de son voyage à Jérusalem en 1894 : Mille et une fois, on l’a dit, ce qu’elle exprime, cette nature, c’est une consternation immense, une gigantesque terreur. Les monts dressent leurs sommets chauves et ridés comme des fronts de prophètes captifs, et leurs ondulations se suivent ainsi que les versets majestueux de la poésie biblique, les lamentations d’un Jérémie qui ne trouverait plus de larmes à répandre, les ayant toutes épuisées. Les torrents sont plus secs que les yeux de Dante alors qu’ils ne savaient pleurer, et le bâillement des vallées profondes s’ouvre comme pour implorer une seule goutte de rosée .
 
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Ces quelques témoignages, en faisant abstraction de quelques situations épisodiques, permettent de relever qu'au XIXe siècle, ces témoignages étant tous de ce siècle, on attachait encore beaucoup d'importance aux cérémonies de la Semaine Sainte.
 
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Quelques témoignages plus récents
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&#10152;  [[Lamentations|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
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Au Canada, la Semaine Sainte obtenait une attention toute particulière au Collège Sacré-Cœur de Saraquet au Nouveau-Brunswick. Un témoignage de 1949 d'un Père de la Congrégation de Sainte-Croix, un Eudiste, rapportait les propos suivants : Je me rappelle pourtant l'exclamation d'un jeune qui en est à sa première année de collège : "Ce n'est pas comme chez nous, les offices, c'est bien plus beau ici !" Le chant si dramatique de la Passion, l'office des Ténèbres, avec son symbolisme si saisissant et le chant des Lamentations, tout était nouveau pour l'élève, tout l'avait intéressé, et d'autres avec lui... Un liturgiste pieux et zélé expliquait chaque matin aux plus jeunes, l'office du jour, et les cérémonies mieux comprises, étaient mieux suivies."
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Aux Etats-Unis, à l'église traditionaliste de la Confraternity of Ss. Peter & Paul , les Ténèbres continuent à être célébrées en suivant la Bulle de Saint Pie X, Divino Afflatu de novembre 1911.
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En Grande-Bretagne, en avril 2004, le Temple Church, église anglicane de Londres, affiche clairement le programme de ses activités musicales (extraits) :
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• Palm Sunday : Lamentations (v. 1:1 à 3) de Alfonson Ferrabosco ;
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• Maundy Thursday : Introït : O vos omnes (v. 1:12) de Giovanni Croce ;
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• Good Friday : Choral Mattins and Sung Litany : Introït : O vos omnes (v. 1:12) de Giovanni Croce ; Lamentations II de Thomas Tallis.
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Il faut dire aussi que cette église entretient une school-education of choristers pour ses programmes de plain-chant ou polyphoniques liturgiques.
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A Jérusalem, l'histoire des communautés chrétiennes, et leur diversité , commence dès le début de notre ère avec Jésus-Christ. Les célébrations de l'Église catholique couvrent tout l'espace des lieux saints, lieux authentiques, et les sept jours de la Grande Semaine, puisque c'est ainsi qu'on l'appelle à Jérusalem. Elles donnent ainsi une revitalisation prégnante du souvenir de la passion de Jésus- Christ. Quand les franciscains eurent voulu adopter la réforme liturgique de Vatican II, à cause des autres communautés religieuses locales, ils ont été dans l'obligation de demander une dérogation pour continuer à célébrer avec le rite prévatican. Il aurait été très délicat de défaire le quadrillage serré des célébrations des six communautés présentes dont le Statu quo des Lieux Saints a été arrêté par un décret civil turc en date du 8 février 1852 entériné par le traité de Paris (1856), celui de Berlin (1878), par la Société des Nations (1922) et les Nations Unies (Corpus separatum, Résolution 181 du 27 Novembre 1947), même si ce décret crée une situation à l'avantage de l'Église orthodoxe grecque.
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Ainsi, les Ténèbres des jours du Triduum sacrum, au Saint-Sépulchre , sont officiées par le patriarche  à 15 heures. Dans la tradition romaine, on est à mi-chemin entre les matines et les nocturnes.
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Version actuelle en date du 22 juillet 2010 à 13:06

Les témoignages concernant les Offices des Ténèbres sont suffisamment peu nombreux pour être portés à notre connaissance. Ceux qui suivent sont surtout le fait du XIXe siècle. On y retrouve quelques compositeurs comme Auguste-Louis Blondeau et Félix Mendelssohn mais surtout des voyageurs. La qualité de leurs déclarations est donc disparate mais elles permettent de donner une idée des cérémonies de la Semaine Sainte.

Ces témoignages relatent peu les matines sur un plan musical et insistent un peu trop sur l'aspect "folklorique" des processions, toujours impressionnant, certes, mais peu conformes à la liturgie.



Ces quelques témoignages, en faisant abstraction de quelques situations épisodiques, permettent de relever qu'au XIXe siècle, ces témoignages étant tous de ce siècle, on attachait encore beaucoup d'importance aux cérémonies de la Semaine Sainte.


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