Je tiens qu'il y a des Chants d'Église qui sont tres-agreables…

De Lamentations de Jérémie.

Les Leçons de Ténèbres étaient bien ancrées dans la vie mondaine. Bénigne de Bacilly#45 dans son ouvrage consacré à L'Art de bien chanter s'y référence comme un modèle à suivre : Je tiens qu'il y a des Chants d'Église qui sont tres-agreables [...] il n'y a rien de si ordinaire dans la bouche de tout le monde, mesme de ceux qui ne songent pas précisément à les critiquer, que de dire qu'ils ressemblent fort à une Leçon de Ieremie, sur tout lors qu'ils sont sur le mesme Ton, que l'on nomme b quarre, autrement dit majeur ; de sorte que c'est le moyen de fronder la moitié des Airs qui sont sur ce Ton, pour un seul passage que l'on aura trouvé avoir esté employé dans une de ces Lamentations, ce qui est le plus ridicule du monde ; car outre qu'il est impossible que cela n'arrive dans tous les Airs, c'est que ce n'est pas un grand malheur que d'y faire des Traits qui se pratiquent dans ces grandes Pieces, où tout le fin du Chant, & tout le delicat, est renfermé avec d'autant plus de soin & de travail de la part des Compositeurs, que ce sont des choses Publiques, que ces sortes d'Opera, qui les font extrémement valoir, & leur donnent une grande réputation dans la Maniere de Chanter.

Plus loin, à propos des tremblements#46, Bénigne de Bacilly précise qu'il faut un ornement en certains endroits, que de faire ce Tremblement, que quelques-uns appellent finir la cadence : Comme par exemple dans les grandes Pieces, principalement dans les Leçons de Ieremie [...].


Retour au sommaire



45. L'art de bien chanter, Augmenté d'un Discours qui sert de Réponse à la Critique de ce Traité, et d'une plus ample instruction pour ceux qui aspirent à la perfection de cet Art. Ouvrage très utile, non seulement pour le Chant, mais même pour la Declamation. Bénigne de Bacilly. Chez l'Autheur, Paris, 1679.
46. Le tremblement est l'agrément le plus employé et le plus varié en musique. Jean Saint-Arroman (L'interprétation de la musique française, 1661-1789. T1, Dictionnaire d'inteprétation (Initiation). Jean Saint-Arroman. Librairie Honoré Champion, Paris, 1988) en recense plus d'une vingtaine : appuyé, aspiré, avec chute, avec simple ou double cadence, avec terminaison, brisé, continu, coulé, doublé ou redoublé, effacé, effleuré, évité, feint, ouvert ou fermé, flatté, jeté, lié, mou, par anticipation, préparé, simple, soutenu, subit, suspendu et tourné. On peut imaginer les effets produits sur les auditeurs par les ornements de bon ou de mauvais goût introduits par les chantres ou les chanteurs engagés pour la célébration des cérémonies de la Semaine Sainte.

Outils personnels