Certains disciples les souillent de leur déchant

De Lamentations de Jérémie.

Ers 1517, arrive l'ère de la Réforme. Luther enflamme l'Europe en clouant à la porte de l'église de Wittenberg ses 95 thèses contre le trafic des indulgences. La langue des textes liturgiques et la musique font partie de la corbeille de discordes entre les catholiques et les protestants.

Très tôt, et sur l'incitation indirecte de Luther, à Sens (tenu à Paris en 1528) se réunit un concile#6 pour traiter de dispositions liturgiques et notamment contrecarrer les erreurs du protestantisme naissant. Y assistèrent les évêques de Chartres, Paris, Meaux, Auxerre, Troyes, Nevers et le vicaire de l'évêque d'Orléans.

Le premier décret général sur la foi et les hérétiques rendu le 3 février 1528 fut suivi de decreta fidei en 16 titres et de decreta morum rendus du 3 février au 9 octobre en 40 chapitres. Les chapitres 16 à 23 concernent plus particulièrement le milieu musical en ces termes :

16. Que dans les églises tout se passe avec décence et dignité ; qu'il n'y ait donc ni conseil civil, ni parlement, ni discours profanes, rien qui puisse troubler le culte : histrions, mimes, musiciens, fête des fous, des innocents, ni decanatus patellæ.
17. Que la psalmodie soit digne, solennelle, lente, la musique religieuse ; que l'orgue ne joue aucune mélodie profane ou lascive.
18. Qu'aux heures canoniques, les chanoines et autres ecclésiastiques se présentent en digne habit de chœur, prennent part à l'office, sans causer ni faire de lectures étrangères. Qu'ils se lèvent au Gloria Patri, et inclinent la tête au saint nom de Jésus. Le doyen veillera au bon ordre.
19. Que tous les bénéficiers et clercs majeurs récitent l'office distincte et devote, sans circuler dans l'église ni tenir des conversations, à peine de privation des distributions du jour entier et non de l'heure seulement, et du mois s'ils ne se corrigent pas malgré les avis. Les réguliers seront, dans ce cas, punis par leurs supérieurs…
21 Après la clôture du concile, les évêques examineront soigneusement les missels, les antiphonaires, et les légendes des saints, pour en retrancher tout ce qui serait superflu ou inconvenant, et y ajouter ce qui est nécessaire…
23. Tous les clercs doivent montrer dans la décence de leurs habits la sainteté de leur état, et ne pas porter par ostentation des vêtements de luxe.

Le Concile de Trente – Concilium Tridentinum – qui se déroule de 1545 à 1563, ne peut que constater ce mouvement qui affecte principalement le Nord de l'Europe#7. En réponse aux critiques, il entreprend une Contre-Réforme et décide entre autres d'adopter un style musical plus sobre dont la polyphonie doit être en harmonie avec des paroles compréhensibles par le peuple (homophonie). On peut regretter qu'il ne s'agit ici que de débats conciliaires constatés par l'absence de décrets mais l'impulsion est donnée : après les déviations de la Renaissance constatées par l'utilisation de musiques profanes, l'incrustation de chansons d'amour et la complexité virtuose de la polyphonie rendant le texte incompréhensible, survient une musique qui se préoccupe plus du texte et le met en valeur.

Lors de la session XXII, les décrets II-2 de septembre 1562 du Concile tridentin rappelle que les Évêques banniront aussi de leurs Églises toutes sortes de Musique, dans lesquelles soit sur l'Orgue, ou dans le simple Chant, il se mesle quelque chose de lascif, ou d'impur, aussi-bien que toutes les actions profanes, discours & entretiens vains & d'affaires du siècle, promenades, bruits, clameurs ; afin que la Maison de Dieu puisse paroistre, & estre dite véritablement une Maison d'Oraison#8. La reprise des termes lascif et impur n'est pas sans rappeler ce que dit Martin Bucer#9 lorsqu'il condamne les chants licencieux, diaboliques et pernicieux. Lors de la réunion du 20 novembre 1563, ce Concile précise aussi à propos de la réforme des moniales qu'elles doivent s'abstenir de musique figurée.#10


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6. Histoire des Conciles d'après les documents originaux par Charles-Joseph Hefele continuée par le Cardinal J. Hergenroether, Traduction française augmentée de notes critiques et bibliographiques par Dom H. Leclercq, bénédictin de l'abbaye de Farnborough, T. VIII 2ème partie, Paris, Librairie Letouzey & Ané, 87 boulevard Raspail, 1921, p. 1040 et s.
7. Il n'y avait pas que des problèmes religieux. Les problèmes et les rivalités politiques ont largement influencé à la fois la "longueur" du Concile (18 ans) mais également son contenu.
8. Sessio XII. Quae est VI. sub Pio IV. Pont. Max. Celebrata die 17. Mensis september 1562, per trattare, - dopo la Doctrina de Sacrificio Missae, sempre al Caput IX di questa sezione, dopo il Canon IX del De Sacrificio Missae -, il Descretum de observandis, & evitandis in celebratione Missae : Decretum de observandis et vitandis in celebratione missarum : Ab ecclesiis vero musicae eas, ubi sive organo, sive cantu lascivum, aut impurum aliquid miscetur ; item saeculares omnes actiones, vana, atque adeo profana colloquia, deambulationes, strepitus, clamores arceant, ut domus Dei vere domus orationis esse videatur, ac dici possit. LE SAINT CONCILE DE TRENTE ŒCUME'NIQUE ET GE'NE'RAL, CE'LE'BRE' SOUS PAUL III. JULES III. ET PIE IV. SOUVERAINS PONTIFES. NOUVELLEMENT TRADVIT par M. L'ABBE' CHANUT. TROISIE'ME E'DITION. (1686) p. 251.
9. Martin Bucer (1491-1551), réformateur strasbourgeois, qui a fait paraître le Teutsch Kirchenampt, Ordonnance du culte en allemand.
10. Decretum de reformatione monialium : Vocis modulatione atque inflexione aliove cantus artificio, quod figuratum vel organicum appellatur tam in choro alibi abstineant.

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