La Musique sainte est lugubre, quand l'Église est dans la tristesse

De Lamentations de Jérémie.

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Version du 23 juillet 2010 à 08:29

Quand vous me marqués que les instrumens de Musique sont consacrés aux pompes du monde, cela prouve trop : car je vous ay montré qu'ils peuvent estre employés en bien & en mal, cela dépend donc de l'application qu'on en fait, ne peut-on pas tourner à des usages saints, ce que le monde applique souvent à des usages profanes. La même bouche du pécheur qui maudit Dieu, ne peut-elle pas le benir dans la suite ?

A propos de la citation de Saint Cyprien, Mr de Bragelongne apporte la précision suivante : Mais si vous aviés consulté l'Original d'où ce passage est pris, [...] vous verriés qu'il ne faut jamais se fier à des Copistes, voicy comme il est rapporté dans l'Original [...]. Cét Auteur [...] est sur ma parole bien éloigné de vouloir parler de la Musique de nos Eglises, il déclame comme tous les jours les Predicateurs le font, contre les spectacles, & les pompes du demon, qui détournant l'ame de Dieu, la rendent molle & lassive.

C'est un Doyen de la Sorbonne qui fut l'arbitre des deux doyens de la cathédrale de Senlis  : De quoi je vous prie est-il ici question ? N'est-ce pas de sçavoir si ce n'est point agir contre l'esprit de l'Eglise de préparer des spectacles de Musique, de Simphonie, de Violes, de Violons, & de Clavessins, pour chanter dans l'Office des Ténebres ? Il précise que c'est Messire François de Harlay qui mentionne en Juillet 1674 dans l'Article IV des statuts de l'Ordonnance du premier Synode, la défense expresse d'employer la Musique & les Instrumens à l'Office des Tenebres et que Msgr Antoine-Loüis de Noailles n'a fait que le reconduire dans l'article 32 de son Synode de septembre 1697 dans ces termes : Nous défendons de faire chanter en Chœur, ou avec des Instrumens, aucune Musique aux Ténebres, dans un tems destiné à pleurer la mort du Sauveur du monde.

Mais c'est bien la peur de voir se répéter les faits observés dans les églises et couvents parisiens qui a généré la polémique. La critique bien parisienne, tout à l'avantage de l'ancien doyen, insiste sur le fait que Paris, qui vaut toute seule une des plus grandes Provinces aiant tant d'Eglises, de Couvents & d'Oratoires, qu'il est bien difficile que les voix du Diocèse soient publiées ou gardées uniformément en tous lieux, il lui arrivoit souvent d'envoïer des ordres particuliers aux jours de la Semaine Sainte à de certains Monastères de Filles, pour interdire et dissiper ces sortes d'Opera Tenebrarum . Et je crois bien qu'il s'agit là de la véritable raison.

D'ailleurs Jean-Laurent Lecerf de la Viéville de Fresneuse, dans son livre Comparaison de la musique italienne et de la musique françoise , rappelle, tout en confirmant, les exagérations de certaines cérémonies au cours desquelles les chanteurs (qui ne sont pas des chantres), des acteurs de l'Opéra, ont une expression déplorable. Quel spectacle dans le Chœur ou dans le Jubé d'une Eglise, que cinq ou six figures ébraillées, habillées de diverse façon & véritablement comme des Comédiens, enfarinées jusqu'à la ceinture, tournant sans cesse la tête, prenant du tabac, riant, causant, & grimaçant… je ne sçai comment je pourrois m'y prendre, pour détourner le mépris & l'indignation que mérite leur contenance scandaleuse. [...] Nous faisons mieux depuis quelques années ; on loue des actrices qui, derrière le rideau qu'elles tirent de temps en temps pour sourire à des auditeurs de leurs amis, chantent une leçon le Vendredi Saint.

Ces Acteurs de l'Opera, paresseux, faineans, débauchez, accoûtumez à ne chanter que des rôles qu'ils ont étudiez à loisir, sont d'ordinaire moins sûrs de leur partie qu'aucuns Musiciens. Le latin n'est pas une langue de leur connaissance : le langage de l'Eglise ne leur est pas trés-familier. Ils prononcent à faire pitié. Ils coupent, ils estropient, ils défigurent les mots d'une maniere burlesque, & il n'est pas possible de s'empêcher de rire des contre-sens extraordinaires, & des plaisans galimathias qu'ils font.

Au commencement que nous eûmes l'Opera en cette Ville, il y avoit un Chanteur nommé Antoine, fameux yvrogne de son métier… personne n'ignoroit qu'il joüoit le rôle de Phaëton… Ce nom étoit devenu le sien… Antoine fut prié de chanter une Leçon de Tenébres, & on publia le jour & le lieu où il la devoit chanter. Ce fut une assemblée nombreuse. Il y vint au sortir de table, il ne chanta ni bien ni dévotement. Le soir toute la Ville disoit : Phaëton a chanté aujourd'hui aux **** la première Leçon de Ténèbres, mais il étoit fou. Quel assemblage d'idées, Phaëton, fou, & la premiere Leçon de Ténébres ! Qui auroit crû que l'idée d'une Leçon de Jeremie seroit jointe à celles de Phaëton fou, & qui n'en seroit indigné ?

Et même, on loue des Actrices. On va les entendre à un Couvent marqué : en leur honneur, le prix qu'on donneroit à la porte de l'Opera, se donne pour la chaise à l'Eglise. On reconnoît Urgande & Arcabonne, on bat des mains, (j'en ai vû battre à Ténébres à l'Assomption, je ne me souviens pas si c'étoit pour la Moreau, ou pour Madame Cheret.) & ces spectacles remplacent ceux qui cessent durant cette quinzaine.

L'association d'idée entre les scènes à l'Opéra et les cérémonies à l'Eglise renforce encore plus l'argument de l'ancien doyen. Lecerf de la Viéville ne dit-il pas lui-même que le public ne manque pas une occasion de commérer .

La presse française du XVIIe se pique de nouvelles des spectacles parisiens au cours de la Semaine Sainte. Plusieurs années de suite, La Muze historique de Jean Loret, pensionné par Mlle de Longueville, future duchesse de Nemours, relate en vers le déroulement de ces cérémonies... religieuses. En voici quelques extraits savoureux  :


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