L'évolution du texte biblique français depuis son origine - XIXe siècle

De Lamentations de Jérémie.

Dans un ouvrage intitulé Jérusalem et la Terre Sainte (~1811), ont été réunis des textes d'auteurs différents dont celui de François-Auguste-René Chateaubriand (1768-1848) ayant pour titre Lamentations de Jérémie, et pour sous-titre Aspect de Jérusalem.

Il introduit son chapitre comme ceci : Arrêtons-nous d'abord à la grotte de Jérémie, près des sépulcres des rois. Cette grotte est assez vaste, et la voûte en est soutenue par un pilier de pierres. C'est là, dit-on, que le prophète fit entendre ses lamentations ; elles ont l'air d'avoir été composées à la vue de la moderne Jérusalem, tant elles peignent naturellement l'état de cette ville désolée :

Comment cette ville si pleine de peuple est-elle maintenant si solitaire et si désolée ? La maîtresse des nations est devenue comme veuve : la reine des provinces a été assujétie au tribut.
Les rues de Sion pleurent, parce qu'il n'y a plus personne qui vienne à ses solennités...

En 1820, c'est au tour de l'Abbé de Genoude (1792-1849), Antoine-Eugène Genou(d), de traduire à partir de la Vulgate, la Sainte Bible en 23 volumes#89.

ALEPH. 1. Comment est-elle assise solitaire, la ville pleine de peuple ? elle est devenue comme veuve, la maîtresse des nations : la reine des cités est tributaire.
BETH. 2. Elle a été vue pleurant dans la nuit, ses larmes coulaient sur ses joues : de tous ses amis, il n'en est pas un qui la console ; ceux qui lui étaient chers l'ont méprisée, et se sont faits ses ennemis.

Samuel Cahen (1796-1862), hébraïsant français et journaliste, traduit la Bible juive en français, avec texte hébreu sur la page opposée, qu'il fait publier à Paris en 1831#90. Le texte en est le suivant :

1. Ah ! Comme elle est restée solitaire, la ville remplie de peuple ! Elle est devenue comme une veuve, (elle jadis) maîtresse parmi les nations ; princesse dans les provinces, voilà qu'elle est tributaire.
2. Elle pleure abondamment pendant la nuit ; ses larmes (coulent) sur ses joues ; de tous ses amants il ne lui reste personne qui la console ; tous ses amis lui sont devenus infidèles, sont devenus ses ennemis.

Entre mars 1831 à avril 1832, Auguste Marseille Barthélemy (1796-1867) et Joseph Méry (1798-1866) publièrent une séries de satires en vers dans l'hebdomadaire La Némésis, où ils attaquaient le gouvernement et les ministres de Louis-Philippe. C'est ainsi qu'on en octobre 1831 le poème intitulé Lamentations#91, prophétie politique, qui commence ainsi :

Incipit lamentatio
Lameth
(Semaine Sainte)
Voici des chants nouveaux pour la douleur publique :
Elles vont commencer sur le mode biblique,
Ces hymnes de terreur, ces lamentations
Qui portent tant de deuil aux grandes nations !
La reine des cités, de tant de gloire veuve,
Avait pleuré quinze ans sous les saules du fleuve ;…

L'Abbé Germain-Napoléon Venard, mûrissant en 1830 au petit séminaire de Saint-Chéron des opinions mennaisiennes, traduit et versifie en 1841 les Lamentations du prophète Jeremie#92 dans les termes ci-après :

Comment la ville sainte, assise aux bords du fleuve,
Couvre-t-elle son front de tristesse et de deuil ?
De son royal époux inconsolable veuve
Elle a perdu ses fils qui faisaient son orgueil ;
Maîtresse glorieuse et reine de la terre
Elle ôtait ou mettait le sceptre aux mains des rois ;
Aujourd'hui malheureuse, aujourd'hui tributaire,
D'un peuple qu'elle abhorre, elle subit les lois !
Livrant la nuit son ame à la douleur amère
Elle gémit sans fin plaintive et solitaire ;
Ses larmes n'ont cessé de couler de ses yeux ;
Et personne ne vient sur ses maux douloureux
Verser le baume heureux qui calme la souffrance ;
Et que dis-je ? mêlés à ses persécuteurs,
Ses amis, qui flattaient son ancienne puissance,
Triomphent de sa chûte, insultent à ses pleurs !

Les strophes qui composent ces Lamentations comprennent indifféremment 4, 5, 6, 8, 9 ou 10 vers de 8 ou 12 pieds. Toutes les variétés de rimes existent.

Cette même année, Pierre-Salvi-Félix de Cardonnel (1779-1829), homme politique, avocat, magistrat et conseiller à la Cour de Cassation, conjointement avec C. Debar, traduit littéralement sur la Vulgate en vers français le Livre des Psaumes, les cantiques et les Lamentations, livre publié à Toulouse#93. Les quintils, dans un idiome spiritualisé, délicat, chatouilleux, riche pour le langage de l'esprit, pauvre pour celui de l'imagination ou des idées sensibles, se composent de quatre alexandrins et d'un octosyllabe toujours placé en pénultième position.

ALEPH.
Dans son morne désert, comment donc s'est assise
Cette ville si pleine et de peuple et de bruit ?
La cité souveraine au tribut est soumise :
Comme une veuve qu'on méprise,
La reine des cités, solitaire, languit.
BETH.
Toute la nuit en pleurs, elle a versé des larmes ;
Elles ont ruisselé sur ses traits amaigris :
Nul pour la consoler dans ses sombres alarmes ;
Et, devenus ses ennemis,
Les siens même à son front ont jeté le mépris.

L'année suivante, en 1842, paraît chez Périsse à Lyon, une édition du Livre des Lamentations traduit par M.J.B.M.N#94. Cet illustre inconnu fait précéder sa traduction de l'avertissement suivant : je n'ai point voulu imiter, mais traduire… Si donc quelquefois je me suis servi de circonlocutions, et de mots dont les correspondants ne se trouvent pas dans le texte, c'est parce que j'ai été obligé de rendre par plusieurs expressions la valeur d'une seule, et parce que j'ai pensé que traduire n'est pas remplacer un mot par un autre mot, mais exposer, autant qu'il est possible, dans une langue connue le sens renfermé dans celle qui l'est moins.

1. Comment est-elle donc devenue semblable à une femme tristement assise à l'écart, cette ville naguère si florissante, et qui renfermait un peuple nombreux ? Celle qui s'élevait glorieuse au milieu des nations est maintenant comme une veuve désolée, et la reine des provinces est réduite à payer le tribut.
2. Pendant la nuit, elle ne cesse de pleurer ; sa face est noyée de larmes, et de tous ceux qui l'aimaient aucun ne se présente pour la consoler ; ses perfides amis l'ont abandonnée, et ils se sont rangés parmi ses ennemis.

Ce XIXe siècle est riche de traductions puisque l'année suivante encore, donc en 1843, l'Abbé Jean-Jacques Bourassé (1813-1872) et le Père Pierre-Désiré Janvier (1817-1888) font paraître La Grande Bible de Tours avec des illustrations du célèbre Gustave Doré#95 avec le texte suivant :

ALEPH. 1. Comment cette ville si peuplée est-elle maintenant déserte ? La maîtresse des nations est devenue comme veuve ; la reine des provinces a été assujettie au tribut.
BETH. 2. Elle n'a pas cessé de pleurer pendant la nuit, et ses joues sont baignées de larmes. De tous ceux qui lui étaient chers, il n'y en a pas un qui la console ; tous ses amis l'ont méprisée, et sont devenus ses ennemis.

D'une manière générale, le lyrisme ne suffira pas à masquer les insuffisances de la traduction.

En 1847, H.-Auguste Perret-Gentil (1797-1865) traduit à son tour La Sainte Bible, Ancien & Nouveau Testament, version nouvelle approuvée par les pasteurs et les professeurs de l'Eglise de Genève#96. Le texte n'est pas très différent des précédents :

I Comme elle est assise solitaire, la ville [jadis] grande et peuplée ! Elle est comme une veuve, celle qui fut grande parmi les nations. Elle primait entre les États, et la voilà tributaire !
2 Elle pleure, elle pleure durant la nuit, et les larmes couvrent ses joues ; de tous ceux qu'elle aimait, aucun ne la console ; tous ses alliés l'ont trahie, et lui sont devenus hostiles.

Et, en 1847, celles de l'Abbé Hippolyte Deschamps#97 donnent ceci :

I. Comment est-elle assise en cette solitude,
Elle qui dans ses flancs portait la multitude,
La féconde cité ?
Maîtresse des Gentils, elle est dans le veuvage ;
Princesse des vassaux, elle est dans l'esclavage.
Que son sort est changé !
2. Elle pleura la nuit et pleure et pleure encore ;
Elle pleure toujours. De tous ceux qu'elle adore
Nul n'essuya ses pleurs.
Aucun ne la console ; ils l'ont tous méprisée,
Comme autant d'ennemis. Plus elle était aimée,
Plus elle a de douleurs !

Les vers sont regroupés en distique, quatrain, quintil, sizain ou neuvain, tous en hexasyllabe ou en alexandrin.

Cette même année, un Prophète plongé depuis quatre ans dans un cachot#98, voit l'Ange de la France pleurer sur Ninive, et lui adresser ce discours des hauteurs de Montmartre#99 :

Peux-tu bien, ô Ninive, assise sous tes forts,
Parler de ta puissance et sourire à tes bords ?
Hélas ! veuve éplorée, mais coquette et légère,
Comme elle tu voudrais, dans ta misère altière,
Te voiler tes déceptions !...
O Reine des cités, combien tu es déchue !
Mais tu fermes les yeux pour n'en pas être émue !
Toi qui faisais des Rois tu folâtres, tu ris ;
Tes plaisirs sont des fleurs que tes vils ennemis
Te jettent pour ombrer le joug qu'ils te façonnent,
Et des jours ténébreux auxquels ils t'abandonnent
Ecarter la prévision !...
Sur Ninive, déploie ta noire chevelure ;
Oh ! viens, ne tarde plus, Ange des saints remords ;
Mais, à travers les pleurs qui baignent ta figure,
Laisse percer ces feux qui raniment les morts !
Quand te verrai-je enfin, ô ma chère Ninive,
Déplorer, dans tes nuits, tes fêtes et tes jeux ?
Quand l'Astre du matin, illuminant ta rive,
Souriant à tes pleurs, redira-t-il aux cieux
Les cris de ton âme oppressée
Redemandant la voie qu'elle avait délaissée ?
Tes sourires fiévreux ont fait battre des mains
Sur ta ruine prochaine, à d'envieux voisins,
Tes amis où sont-ils ? Qui songe à te défendre
Des traitres déguisés qui pour mieux te surprendre,
Revêtant un masque trompeur,
Parlent de couronne et d'honneur ?...

Les vers sont regroupés en nombre aléatoire avec des rimes tantôt plates tantôt croisées ou tantôt embrassées, le premier avec le quatrième par exemple. Dans l'exemple ci-dessus, le douzain se compose de quatre alexandrins, d'un heptasyllabe, de six alexandrins et d'un autre heptasyllabe. Les rimes des deux heptasyllabes sont embrassées et les autres sont plates, de deux en deux.

M. Mallet de Chilly fait publier à Orléans en 1854 Le Cantique des cantiques et les lamentations de Jérémie#100. L'amour passionné et la douleur la plus amère permettra au lecteur de juger en quel genre j'aurai le mieux réussi. Ces propos du traducteur sont suivis un peu plus loin dans la préface par cette remarque :

J'avais à lutter contre MM. de Sacy et de Genoude. Un troisième traducteur, Beerbing, existe ; mais je n'ai pu me procurer sa traduction, que l'on m'a dit être supérieure aux deux autres. Les notes que j'ai accumulées et qui sont cependant moins nombreuses que celles que j'aurais pu donner, feront voir avec quelle attention j'ai consulté les textes pour obtenir le véritable sens de chaque verset, et que je ne me suis pas astreint à rendre les mots latins par les premiers mots français pris au hasard dans le dictionnaire latin-français.
1. Ah ! comme elle est restée solitaire, la ville remplie de peuple ! Elle qui, jadis, était la maîtresse des nations, elle est misérable comme une veuve : elle qui était la reine des cités, paie maintenant le tribut.
2. En ce jour, elle verse des larmes abondantes ; pendant la nuit, elles coulent sur ses joues. Aucun de ses amants ne la console : tous ses amis lui sont devenus infidèles et sont même devenus ses ennemis.

Dans ses Lamentations sur l'année 1855, M. Soya, curé de Lahonce, rédige en prose un texte qui rappelle celui de Jérémie. Il fait suite à des épidémies qui ont eu lieu en France (choléra) en 1854 et aussi en Dordogne (typhoïde) l'année suivante. La publication a eu lieu à Bayonne chez P.-A. Cluzeau#101.

1. Comment a-t-elle été vue assise solitaire, la ville si pleine de mouvement, à face si riante ? et comment a-t-elle été triste, morne, silencieuse comme la nuit, la campagne si gaie, si contente ? La joie a fui la ville ; et sa lyre aux sons si mélodieux a été muette ; et ses ravissants concerts se sont tus ; et des larmes amères ont coulé sur ses joues, des larmes amères le jour, des larmes amères la nuit ;
2. Passant, je considère ses rues, elles pleurent encore, pleurent ses portes, pleurent ses places publiques. Et la gaieté a fui la campagne, et ses doux chants, ses chants si agréables n'ont pas été entendus, et ses yeux aussi ont été deux sources de larmes amères. Passant, je considère ses chemins, ils gémissent encore, gémissent ses champs, gémissent ses sentiers…

C'est en 1857 que l'abbé J.F. Andrieux fait éditer un poème élégiaque sur les Lamentations de Jérémie (p. 304 et s.) dans un recueil ayant pour titre Chants bibliques (Tours, Impr. Ladevèze, 1858).

Après une introduction également versifiée, les deux premiers vers se présente comme suit :

Comment Jérusalem, naguère si bruyante,
S'est-elle changée en désert ?
La reine des cités, maintenant suppliante,
Sous l'étranger languit et sert !
Son front est sillonné des pleurs intarissables
Qu'elle a versés toute la nuit ;
Loin de la consoler dans ses maux effroyables,
En les voyant chacun s'enfuit.

Comme on peut le voir, il s'agit d'une succession de quatrains comprenant de forme ABAB, alternant régulièrement des alexandrins et des octosyllabes.

Les Lamentations versifiées du Comte de Causans et de J.R.T. Cabaret-Dupaty#102 datent de 1859. Elles présentent la particularité de modifier ses formes suivant les leçons. Ainsi, si la leçon I du 1er jour préfère la forme de cinq huitains composés d'une alternance d'alexandrins et d'octosyllabes, les autres leçons adoptent respectivement les formes structurelles suivantes :

  • la leçon II du 1er jour se compose de quatre strophes dont la 1ère est un quatrain, la seconde un sizain, le 3ème un huitain et le 4ème un dizain ;
  • la leçon III du 1er jour comprend cinq huitains d'octosyllabes ;
  • la leçon I du 2nd jour se structure en quatre huitains de décasyllabes ;
  • la leçon II du 2nd jour se compose de quatre huitains alternant des vers heptasyllabiques et des vers pentasyllabiques ;
  • la leçon III du 2nd jour regroupe huit huitains comprenant dans l'ordre cinq heptasyllabes, un hexasyllabe, un heptasyllabe et un hexasyllabe ;
  • la leçon I du 3ème jour réunit cinq huitains alternant, comme la 2ème leçon du 2nd jour, des vers heptasyllabiques et des vers pentasyllabiques ;
  • la leçon II du 3ème jour comprend sept quatrains alternant des alexandrins et des octosyllabes ;
  • la leçon III du 3ème jour se compose de six huitains alternant cette fois-ci des octosyllabes et des hexasyllabes.
1. Comment a disparu le flot tumultueux
De cette ville abandonnée ?
Comment s'est éclipsé l'éclat majestueux
De cette reine détrônée ?
Sous le pesant fardeau de ses afflictions
Comme une veuve anéantie,
Celle qui commandait aux autres nations
Au tribut est assujettie.
2. Elle gémit, le jour, et nul espoir ne luit
A son cœur en proie aux alarmes ;
Vers la terre courbée, elle pleure, la nuit,
La perte amère de ses charmes.
Près d'elle on ne voit plus de flatteurs ni d'amis
Dont la présence la console ;
Ses anciens courtisans sont autant d'ennemis
Qui foulent aux pieds leur idole.

Les rimes sont plus fréquemment des rimes croisées et, du fait de la richesse formelle de la 2ème leçon du 1er jour, quelquefois plates de type AABB, les vers rimant deux à deux, sauf pour le quatrain qui se distingue par des rimes embrassées de type ABBA.

Jules Pertus#103 tire des Lamentations en 1862 une poésie lyrique avec le texte suivant :

Aleph. Hélas ! .. qui donc a rendu solitaire,
Cette ville sur qui je fais couler mes pleurs !
Jadis elle ignorait la peine et les douleurs,
Mais aujourd'hui que triste est sa misère !  !
De ses peuples chéris le nombre a disparu,
Son sourire est éteint, son espoir est perdu,
Elle vit désolée, elle est déserte et pleure !
Son front ne reçoit plus l'honneur des nations,
Et l'on entend sa voix qui gémit à toute heure,
En élevant ses lamentations !  !
Beth.Tandis qu'aux Cieux je vois briller l'étoile,
Et que tout dord en paix au sein de l'univers,
Nous l'entendons gémir sous le poids de ses fers,
Cachant son front sous un lugubre voile.
Sa force a reculé devant l'ardeur des flots,
Et son œil maintenant cherche en vain le repos ;
Sa tristesse a détruit ses attraits et ses charmes,
Et, parmi ses enfants que chérissait son cœur,
Nul ne vint consoler ses sinistres alarmes,
Et ses amis ont ri de son malheur !  !

Cette poésie est structurée différemment suivant les chapitres des lamentations. Ainsi, le Livre I qui correspond au chapitre I structure les vers en dizains comprenant dans l'ordre un décasyllabe, deux alexandrins, un décasyllabe, cinq alexandrins et encore un décasyllabe. Les rimes suivent toujours l'ordre suivant : ABBACCDEDE. Les Livres donnent respectivement les structures suivantes des strophes#104 :

strophe structure interne rime observée
dizain 1 D, 2 A, 1 D, 5 A, 1 D ABBACCDEDE
douzain 4 A, 1 D, 2 A, 1 O, 4 A ABABCDDCEFEF
quatrain 2 H, 2 A ABAB
douzain 4 A, 1 D, 3 A, 1 D, 2 S, 1 A ABABCDCDEFEF
huitain 1 H, 3 A, 1 H, 2 A, 1 O ABABCDDC


La réédition de la Bible de Jean-Frédéric Ostervald en 1863 modifie le texte précédemment établi par son auteur en le remettant au goût du XIXe. Il s'agit ici d'une édition à l'initiative de la Société biblique britannique et étrangère, sise à Bruxelles#105. Les notes sont du traducteur.

ALEPH. Comment est-il arrivé que la ville si peuplée soit assise solitaire ; que celle qui était grande entre les nations soit devenue comme veuve ; que celle qui était princesse dans les provinces ait été rendue tributaire ?
2. Beth. Elle ne cesse de pleurer pendant la nuit, et ses larmes sont sur ses joues ; il n'y a pas un de tous ses amis qui la console ; ses voisins ont agi perfidement contre elle, et sont devenus ses ennemis.

Dans La Sainte Quarantaine#106, ouvrage édité en 1868, Napoléon-Maxime-Gabriel Latrouette, Docteur es Lettres, donne sa version des Lamentations en regard du texte latin. Il s'agit d'une version non versifiée.

Alph. Comment se trouve-t-elle ainsi déserte cette cité si remplie de peuple ! Elle est devenue comme veuve, celle qui était la maîtresse des nations ; la reine des provinces a été assujettie au tribut.
Beth. Elle pleure et elle a pleuré tout la nuit ; et ses joues sont trempées de ses larmes ; il ne se trouve personne pour la consoler, parmi tous ceux qui lui étaient chers ; tous ses amis l'on méprisée, et ils sont devenus ses ennemis.


Cette même année, paraît une parodie intitulée Paris désert, lamentations d'un Jérémie haussmannisé#107. On y trouve à un moment une allusion aux lamentations de Jérémie par le passage suivant :

3. Babylone ! Babylone ! Tu es la ville superbe et tes ennemis eux-mêmes te proclament la reine du monde et tombent en admiration devant tes magnificences, tandis que tes propres fils se reposent fatigués sur les bornes de tes carrefours en se demandant où ils coucheront pendant la nuit.


En 1870 paraît une réédition chez Uthenin Chalandre fils à Besançon#108. C'est Louis de Carrières (1662-1717)#109 qui en avait réalisé la traduction.

1. ALEPH. Comment Jérusalem, cette ville si pleine de peuple, est-elle maintenant si solitaire et si désolée ? La maîtresse des nations est devenue comme veuve ; la reine des provinces a été assujettie au tribut.
2. BETH. Elle n'a point cessé de pleurer pendant la nuit, et ses joues sont trempées de ses larmes. De tous ceux qui lui étaient chers, et avec lesquels elle avait contracté alliance, il n'y an a pas un qui la console. Tous ses amis et ses voisins l'ont méprisée, et sont devenus ses ennemis.


La grande guerre de 1870 a apporté aussi son lot de parodies dramatiques compte tenu de la situation de la France à cette époque. C'est tout d'abord un abbé anonyme#110, l'Abbé Cl.-P.S., qui apporte en 1871 sa contribution (Éd. P. Lambert, Troyes) en préfaçant Les lamentations du Prophète Jérémie traduites en vers français et suivies de quelques chants religieux et patriotiques composés à l'occasion de la guerre de 1870-71 entre la France et l'Allemagne par les termes suivants :

Les circonstances malheureuses dans lesquelles nous avons fait et publions ce petit travail donnent sa raison d'être. La France était aux deux tiers envahie et occupée par l'ennemi. Paris, sa capitale, était environné d'un cercle infranchissable de canons, de mitrailleuses, d'épées, de fusils, de baïonnettes et d'hommes armés de toutes pièces, qui la tenaient enfermée dans son enceinte et séparée de toute la France. Les villes et les campagnes étaient ruinées par les exactions du vainqueur. La cessation du travail, du commerce, la disette, les mauvaises passions, les projets sinistres de certains hommes, les théories subversives de tout ordre et de tout droit, l'absence de tout gouvernement régulier, effrayaient autant les âmes honnêtes que les ennemis du dehors. Dans cet état, tous les cœurs vraiment français étaient accablés de tristesse et recherchaient naturellement tout ce qui était en harmonie avec cette disposition intime.[...] La peinture ou la description des souffrances du peuple juif dans ces terribles épreuves, est donc ce que l'on peut lire de plus touchant et de plus en rapport avec nos propres maux ? De là, la pensée de détacher de nos livres saints, et de publier isolément, les plaintes et les gémissements patriotiques de ce Prophète qui sut si bien, comme l'a dit Bossuet, égaler les lamentations aux douleurs. De là aussi la pensée de les traduire en vers français.[...] Que nos yeux, comme ceux du Prophète, soient éclairés de la lumière d'en haut. Voyons, comme lui, dans nos désastres et nos calamités, un châtiment du Dieu que la France a bien offensé. Comme lui, prions ce Dieu de nous pardonner nos fautes, et, comme lui encore, mettons notre espérance dans les bontés de ce même Dieu.

Aleph. Comment donc cette ville, autrefois si puissante,
Et qu'emplissait sans cesse une foule abondante,
Est-ce maintenant comme une veuve en deuil,
Qui pleure, assise auprès d'un lugubre cercueil ?
Oubliant, négligeant sa parure et ses charmes !
Celle qui commandait en reine aux nations
Se voit, hélas ! en butte à mille exactions !
Celle qui gouvernait les cités, les provinces,
Paie un honteux tribut à des rois, à des princes.
Beth. En proie à son chagrin, à ses vives douleurs,
Ses yeux, durant la nuit, se sont mouillés de pleurs
Qui, coulant par torrents le long de son visage,
Révèlent de son cœur l'épouvantable orage.
De ses nombreux amis, de tous ceux qu'elle aimait
Et qu'à tous ses plaisirs jadis elle admettait,
Pas un seul n'est venu compâtir à sa peine,
Et pour elle ils n'ont plus que mépris et que haine.


Là également, pour rompre la monotonie, les vers sont structurés différemment suivant les chapitres des lamentations. Ils sont tous en alexandrins, en rimes plates, regroupés comme suit :

  • chap. 1 : sizain, huitain et neuvain ;
  • chap. 2 : sizain exclusivement ;
  • chap. 3 : distique uniquement ;
  • chap. 4 : quatrain seulement ;
  • chap. 5 : distique, quatrain et sizain.

Charles Gounod (1818-1893), compositeur français, en a également fait une élégie en 1871 pour son œuvre Gallia (motet for soprano solo, choeur, orchestre et orgue composé pour l'ouverture de l'International Exhibition 1871). Il était alors à Londres, ayant quitté précipitamment Paris avant la guerre de 1870.

L'idée me vint de représenter la France telle qu'elle était, non pas seulement vaincue, écrasée, mais outragée, insultée, violée par l'insolence et la brutalité de son ennemi. Je me souvins de Jérusalem en ruines, des gémissements du prophète Jérémie, et sur les premiers versets des lamentations j'écrivis une élégie biblique que j'intitulai Gallia.

La voilà seule, vide, la cité reine des cités !
Ses enfants pleurent nuit et jour dans ses murs désolés !
Reine, flambeau du monde !
Aujourd'hui délaissée !
L'ombre dérobe sa honte !
Un fleuve de larmes inonde son visage,
Pas un ne la console,
Pas un parmi ceux qu'elle aime !
Les nations l'oublient et l'abandonnent
Et la voilà vide, solitaire !


La traduction française de la Bible Darby (John-Nelson Darby 1800-1882, à l'origine de la doctrine du dispensationalisme) de 1872, considérée comme l'une des traductions françaises les plus proches de l'original, en voulant respecter strictement le texte allant jusqu'à sacrifier l'élégance du style ou la clarté, restitue le texte suivant :

1. Comment est-elle assise solitaire, la ville si peuplée ! Celle qui était grande entre les nations est devenue comme veuve ; la princesse parmi les provinces est devenue tributaire.
2. Elle pleure, elle pleure pendant la nuit, et ses larmes sont sur ses joues ; de tous ses amants, il n’en est pas un qui la console ; tous ses amis ont agi perfidement envers elle, ils sont pour elle des ennemis.

Cette traduction a pour particularité d'être très littérale et respecte le texte avant tout, l'élégance du style ou la clarté de la traduction étant sacrifiée.

Au cours de cette même année, le Comte Edmond Lafond traduit en vers les Lamentations, chez Bray et Retaux à Paris#111. Le traducteur avertit le lecteur en ces termes :

A part même la musique de Palestrina et de Gounod, les Lamentations font une grande impression dans toutes les églises de la chrétienté, pendant la semaine sainte, parce qu'on les chante sur un mode plein d'une pénétrante mélancolie, que l'on croit remonter jusqu'à l'antiquité hébraïque.
ALEPH.
Comment la cité sainte est-elle en cette épreuve,
Seule, assise au désert, seule comme une veuve ?
Reine des nations, elle en est le rebut,
La maîtresse du monde est soumise au tribut.
BETH.
Dans la nuit de ces pleurs où sa douleur s'isole,
De tous ceux qui l'aimaient pas un ne la console,
Et dans la solitude elle est là… Ses amis
Dédaignant ses malheurs, se font ses ennemis.

Toujours cette même année 1872, paraît la traduction de la Sainte Bible par Pierre Giguet (1794-1883), universitaire, édition réalisée par Poussielgue à Paris#112.

Aleph. 1. Comment cette ville, jadis pleine de peuple, est-elle assise solitaire ? Elle est devenue comme une veuve celle qui avait grandi parmi les nations ; la reine des provinces est assujettie au tribut.
Beth. 2. Elle pleure, elle a pleuré la nuit, et les larmes sont encore sur ses joues, et de tous ceux qui l'aimaient, il n'en est pas un qui la console ; ses amis l'ont méprisée, et sont devenus ses ennemis.

Les Nouvelles poésies ou Les chants de la Consolation et de l'Espérance de P. Delpy, éditées à Périgueux en 1872, contiennent une ode sur les Lamentations sur les malheurs de la France mais dont aucun vers ne se réfère en particulier à un des versets du livre des Lamentations. C'est l'atmosphère générale qu'il faut sentir au travers de la lecture de cette ode.

O vous, nations impassibles,
Et vous, peuples de l'avenir,
Soyer attentifs et sensibles
Aux maux qui devaient survenir
A notre pauvre et chère France ;
Voyez s'il est une souffrance
Qui n'ait su nous humilier :
Et sera-t-il possible à croire
Qu'un tel pays, brillant de gloire,
La fortune ait pu l'oublier ?.


Ce poète avait déjà édité quelques années auparavant des Essais poétiques qui n'a[vaient] pas eu du retentissement dans toute la France, comme ceux de nos grands maîtres.

L'année suivante, en 1873, deux abbés, Jean-Baptiste Glaire (1798-1879), professeur d'hébreu à la Sorbonne, et Fulcran Vigouroux (1837-1915), sulpicien chargé du cours spécial d'écriture sainte au séminaire de Saint-Sulpice, mettent en œuvre la traduction de la Bible et la publie chez R. Roger et F. Chernoviz à Paris#113. Le texte en prose est le suivant :

ALEPH.
I. 1 Comment est-elle assise solitaire, la ville pleine de peuple ?
Elle est devenue comme veuve,
La maîtresse des nations ; la reine des provinces
A été assujettie au tribut.
BETH.
2 Pleurant, elle a pleuré pendant la nuit, et ses larmes coulent sur ses joues ;
Et il n'est personne qui la console, parmi ceux qui lui étaient chers :
Tous ses amis l'ont méprisée
Et sont devenus ses ennemis.

1874, c'est l'arrivée de la version française de l'Ancien Testament la plus répandue dans les milieux évangélique et protestant. Le but recherché par le pasteur suisse Louis Segond (1810-1885) est "exactitude, clarté, correction… ni littérale, ni libre. Cette Bible sera révisée à plusieurs reprises (1975, 1978, 2002).

I Eh quoi! elle est assise solitaire cette ville si peuplée !
Elle est semblable à une veuve !
Grande entre les nations, souveraine parmi les états,
Elle est réduite à la servitude !
2 Elle pleure durant la nuit, et ses joues sont couvertes de larmes ;
De tous ceux qui l'aimaient nul ne la console ;
Tous ses amis lui sont devenus infidèles,
Ils sont devenus ses ennemis.


Désiré Cadilhac de Madières (1819-1867) écrit les paroles d'une mélodie mise en musique par Edmond Membrée (1820-1882) en 1876, paroles qui s'inspirent des Lamentations de Jérémie :

Hé quoi ! Jérusalem veuve de sa puissance
Comme une femme en deuil se traîne en gémissant !
Elle abaisse le front et dévore en silence
Un impôt flétrissant !
Pleine du souvenir de sa grandeur passée,
Elle a noyé ses yeux dans des torrents de pleurs !
Et ses amis eux-mêmes hélas ! l'ont délaissée,
Seule avec ses douleurs !

Il s'agit exclusivement de quatrains comprenant 3 alexandrins et un sizain avec des rimes croisées.

L'Abbé Charles Trochon, docteur en théologie, rédige à partir de la Vulgate une traduction de la Bible et la fait éditer en 1878 à Paris chez P. Lethielleux .

ALEPH 1. Comment la ville pleine de peuple est-elle assise solitaire ? Elle est devenue comme veuve ; la maîtresse des nations, la reine des provinces est devenue tributaire.
Beth 2. Elle a pleuré sans cesse pendant la nuit, et ses larmes tombent sur ses joues. Il n'y a personne qui la console, de tous ceux qui lui étaient chers ; tous ses amis l'ont méprisée et sont devenus ses ennemis.


En 1879, Edouard Guillaume Eugène Reuss (1804–1891), professeur à l'université de Strasbourg, membre du courant libéral de l'Église luthérienne, enrichit sa traduction de la richesse biblique allemande, pour obtenir en français et en vers les Lamentations qui paraissent au Tome 8 des 16 que comprend sa Bible . Il apporte les précisions suivantes :

La versification est très-régulière partout, sans être toujours arrangée d'après le même système. Les quatre morceaux se composent de vers longs, plus longs que nous ne les rencontrons communément dans la poésie lyrique des Hébreux. Chacun de ces vers a une césure au milieu, et forme ainsi deux hémistiches, que nous avons préféré écrire en deux lignes séparées. Dans les trois premières élégies, trois de ces vers longs, ou six hémistiches, forment une strophe. Dans la quatrième, la strophe ne se compose que de deux vers, ou de quatre hémistiches. Chaque strophe commence par une autre lettre de l'alphabet, de sorte que le nombre en est chaque fois de vingt-deux…

1. Comme elle est assise solitaire,
Cette cité populeuse !
Elle est devenue comme une veuve,
Celle qui était grande parmi les nations !
La reine des provinces
Est réduite en servage.
2. Elle pleure, elle pleur la nuit durant,
Ses larmes inondent ses joues.
Nul n'est là pour la consoler,
De tous ceux qui l'aimaient ;
Tous ses amis l'ont trahie,
Et lui sont devenus hostiles.


En 1881, l'Abbé Antoine Arnaud (1827-1920), curé doyen d'Ollioules, apporte sa contribution avec une nouvelle traduction approuvée par Mgr l'Evêque de Fréjus et Toulon. La Bible est publiée chez P. Lethielleux à Paris#119. Les notes sont du traducteur.

ALEPH I.#120 Comment est-elle assise solitaire, la cité pleine de peuple ? Elle est devenue comme veuve, cette maîtresse des nations ; la reine des provinces a été assujettie au tribut.
BETH 2.#121 Elle a pleuré amèrement pendant la nuit, et ses larmes coulent sur ses joues : de tous ceux qui lui étaient chers, il n'en est pas un qui la console ; tous ses amis l'ont méprisée, et sont devenus ses ennemis.

La Bible d'Olivétan (1535), qui devint la Bible de Genève en 1560, se perpétue par les révisions de J. F. Ostervald. Le texte présenté ici est une mise à jour en 1996 de l'édition de 1886 d'une révision de la Bible d'Ostervald publiée pour la 1ère fois en 1744. Il s'agit d'un texte en prose.

Aleph. Comment est-elle assise solitaire, la ville si peuplée ! Celle qui était grande entre les nations est semblable à une veuve ; la princesse des provinces est devenue tributaire !
Beth. Elle pleure durant la nuit, et les larmes couvrent ses joues ; de tous ceux qu'elle aimait aucun ne la console ; tous ses amis ont agi perfidement contre elle, ils sont devenus ses ennemis.

C'est en 1887 que Paul Lafargue (1842-1911), socialiste français, inspiré notamment par Proudhon, et surtout par Karl Marx, s'inspire des Lamentations de Jérémie pour écrire les Lamentations de Rothschild, le Capitaliste. En voici, les premières lignes :

Capital, mon Dieu et mon maître, pourquoi m'as-tu abandonné ? Quelle faute ai-je donc commise pour que tu me précipites des hauteurs de la propriété et m'écrases du poids de la dur pauvreté ?...
Mes concurrents se réjouissent de ma ruine et mes amis se détournent de moi ; ils me refusent jusqu'aux conseils inutiles, jusqu'aux reproches ; ils m'ignorent. Mes maîtresses m'éclaboussent avec les voitures achetées de mon argent.

Eugène Ledrain (1844-1910), professeur, orientaliste et écrivain français, fait publier sa Bible rationaliste en dix volumes chez Alphonse Lemerre à Paris en 1889#122.

COMMENT est-elle gisante, seule,
la ville tant peuplée !
et se tient-elle comme une veuve,
celle qui était grande parmi les nations !
Comment la maîtresse parmi les provinces
est-elle tributaire !
La nuit, elle ne cesse de pleurer,
les larmes inondent ses joues.
Pas un de ses amis qui la console ;
tous ses voisins l'ont trompée
et se sont faits ses ennemis.


Le texte tiré des Offices de la Quinzaine de Pâques#123, en 1887, est le suivant :

Comment cette Ville, autrefois si peuplée, est-elle maintenant déserte ? la maîtresse des nations est comme une veuve désolée : celle qui commandait à tant de provinces est devenue tributaire.
Elle pleure toute la nuit, et ses joues sont baignées de larmes ; de tous ceux qu'elle aimait, pas un ne se présente pour la consoler ; tous ses amis la méprisent, et se sont faits ses ennemis.


Cette traduction est suivie en 1888 par celle#124 de l'Abbé Louis-Claude Fillion ou Fillon (1843-1927), prêtre philosophe de l'église catholique, qui présente le texte des deux premiers versets comme suit :

ALEPH 1. Comment#125 est-elle assise#126 solitaire, cette ville pleine#127 de peuple ? Elle est devenue comme veuve#128, la maîtresse des nations#129 ; la souveraine des provinces est devenue tributaire#130. BETH 2. Elle n'a pas cessé de pleurer#131 pendant la nuit#132, et ses larmes#133 coulent sur ses joues ; il n'y a personne qui la console#134 parmi tous ceux qui lui étaient chers#135 ; tous ses amis l'ont méprisée et sont devenus ses ennemis#136.

Les notes sont du traducteur. Il s'agit d'une révision de la version de Sacy mais Fillion se tient aux texte de la Vulgate en adoptant un langage clair et sobre.

La thèse présentée par P. Mayniel en 1894 à Montauban en vue d'obtenir le grade de bachelier en théologie abordait le sujet du Livre des Lamentations#137. L'auteur critique avantageusement le livre des Lamentations mais propose à la fin de son ouvrage sa propre traduction. Les notes sont également du traducteur.

1 Eh quoi ! elle est assise à l'écart, elle, [la ville] si peuplée !
Elle est comme une veuve, celle qui était grande entre les nations !
Souveraine entre les provinces, elle paie tribut#138 !
2 Elle pleure abondamment pendant la nuit [et] ses larmes couvrent ses joues ;
Point de consolateur pour elle entre tous ceux qui l'aimaient :
Tous ses amis l'ont lâchement abandonnée, ce lui sont dans ennemis#139.


Henri-Michel-Alfred Rieu de Montvaillant, poète, fait paraître chez Fischbacher à Paris en 1898, un recueil de Poèmes bibliques dans lequel figure en vers les Lamentations de Jérémie#140.

1 Comment cette cité, bruyante multitude,
S'est-elle transformée en une solitude ?
Comment cette cité, reine des nations
Ployant sous le fardeau de ses afflictions,
Abîmée en son deuil semble-t-elle une veuve
Dont le cœur accablé succombe sous l'épreuve ?
Comment celle dont tous attendaient leur salut
Aujourd'hui porte-t-elle aux autres son tribut ?
2 Elle passe la nuit au milieu des alarmes,
Son visage défait est inondé de larmes,
Aucune voix ne vient consoler sa douleur.
Ses intimes amis redoublant son malheur
Hélas ! ont tous agi perfidement contre elle,
Ils en ont fait l'objet de leur haine cruelle.


Les strophes contiennent un nombre variable de vers en alexandrin sans qu'il y ait une signification particulière. Lorsque celles-ci sont d'un nombre impair (quintil, septain et neuvain), les rimes sont croisées ou embrassées avec la strophe suivante.


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89. Paris, F-Pn, A-5819, Tome IV, pp. 219 et s.

90. La Bible : Torah, Nevihim, Ketouvim, [Méguilot], F-Pn, 8-A-4703 (1).

91. Némésis, nouvelle edition, Barthélemy, Garnier Frères, libraries-éditeurs, Paris, 1870, p.228 et s.

92. Dreux, Imprimerie de J.-B. Alquier, 254, rue Parisis. Mars 1841, F-Pn, YE 53664.

93. F-Pn, A-8343.

94. F-Pn, A-9397, pp. 1 et s.

95. F-Pn, 4-A-718 (2), pp. 246 et s.

96. F-Pn, A-13932, pp. 1139 et s.

97. Traduction en vers des Lamentations de Jérémie [...] Vous les briserez comme le vase du potier. Psalmiste. Dieppe Imprimerie d'Emile Delevoye, rue Duquesne, 3. 1847. (F-Pn, YE-20057)

98. Voir, sur ce prisonnier, l'ouvrage intitulé : Les Prisons d'un Prophète actuel, Paris, chez Doyen, Palais-Royal ; chez Nivert… et chez les principaux libraires des départements.

99. s'agit sans doute de Charvoz, Alexandre (pseud. La Parraz, Abbé).

100. F-Pn, A-10089, pp. 82 et s.

101. F-Pn, 8-LB56-286, pp. 18 et s.

102. Semaine sainte a l'usage de Rome ; traduction nouvelle en prose et en vers français, Par T. C.-D., avec le texte latin, accompagnée d'un grand nombre de pièces détachées du paroissien romain en vers français, Par le Comte de Causans et T. C.-D. Pau, Imprimerie de E. Vignancour.

103. Les pleurs de Sion ou Lamentations du prophéte Jérémie. Poésies lyriques. Par Jules Pertus. / Chalon S. S., Imprimerie de Montalan, Rrue Fructidor. 1862, F-Pn, YE-29859.

104. D = décasyllabe, A = alexandrin, O = octosyllabe, H = hexasyllabe.

105. F-Pn, A-22010, pp. 510 et s.

106. La Sainte Quarantaine, office romain complet à l'usage des fidèles pour tous les jours du carême, du temps de la passion, de la Semaine sainte et de l'octave de Pâques, précédé des psaumes des heures canoniales du dimanche et des vêpres de chaque jour, des psaumes de la pénitence, etc. Traduction nouvelle (Propriété) avec le texte en regard par N. M. G. Latrouette… Librairie catholique & classique de Périsse Frères, Paris, Bruxelles, 1868.

107. Impr. de Towne, Paris, 1868, pp. 4 et s, F-Pn, MFICHE 8-LK7-14331.

108. Toutes les notes sont en latin.

109. F-Pn, NUMM-27887, T.5, pp. 824 et s.

110. Les lamentations du prophète Jérémie. Traduites en vers français et suivies de quelques chants religieux et patriotiques Composés à l'occasion de la guerre de 1870-71 entre la France et l'Allemagne par l'abbé CL.-P. S., De la Société Académique de l'Aube. [citations voir ci-dessous] / Troyes Librairie de P. Lambert, 24, rue Champeaux, 24. 1871, F-Pn, A-5364.

111. F-Pn, 8-LK7-16034, pp. 330 et s.

112. F-Pn, A-13491, pp. 307 et s.

113. Tex F-Pn, édition 1917, Vol. V, A-23159, pp. 436 et s.te

114. Note des traducteurs : Le 1er verset donne le ton de tout le morceau. La pensée qui frappe l'esprit du prophète, c'est la solitude dans laquelle il se trouve. La princesse, la maîtresse des nations, est maintenant assise solitaire, comme la Judæa capta qu'on voit plus tard sur les médailles romaines (voir la figure ci-contre). Ses enfants lui ont été enlevés et elle est plongée dans la plus profonde misère.

115. Ed. Paris, 1877, F-Pn, A-14519, pp. 1327 et s.

116. 20 mélodies de Edmond Membrée, Au Ménestrel, Paris, 1876. Les Lamentations de Jérémie. Scène chantée par Mme Iweins d'Hennin. À Charles Henri Valentin Morhange dit Alkan

117. F-Pn, A-14610, pp. 345 et s.

118. F-Pn, A-14393 (8), pp. 423 et s.

119. F-Pn, A-14807, pp. 393 et s.

120. Ndt. Cette ville jadis si peuplée, aujourd'hui déserte, assise, comme une personne en deuil ; veuve de son roi, de ses prêtres, et de son Dieu qu'elle appelait son époux ; celle qui commandait à tant de provinces, à l'Idumée, à la Syrie, est elle-même tributaire.

121. Ndt. Les peuples voisins, ses alliés, l'ont abandonnée lâchement.

122. F-Pn, A-20304, T. V, pp. 437 et s.

123. Offices de la Quinzaine de Pâques à l'usage de Rome entièrement refondus. D'après les éditions les plus récentes du Bréviaire et du Missel romains, augmentés de l'exercice du Chemin de la Croix. Traduction nouvelle (Propriété). Approuvé par Monseigneur l'Archevêque de Tours. Tours. Alfred Mame et Fils, Editeurs. 1887.

124. Sainte Bible commentée, Paris, 1898, http://www.jesusmarie.com/bible_fillion.html

125. Quomodo : exclamation de douloureux étonnement. Nous la retrouverons en tête de la seconde et de la quatrième élégie. Cf. II, 1 ; IV, 1.

126. Sedet : a terre, profondément humiliée, comme l'avait prédit Isaïe, III, 26.

127. Trois antithèses saisissantes mettent en relief l'étendue de sa misère et de sa honte. Sola et plena populo : ses habitants, naguère si nombreux, ont été fauchés par la mort, ou déportés au loin par l'ennemi.

128. Vidua : une pauvre femme sans appui, sans protection.

129. Domina gentium : ou comme dit l'hébreu, grande parmi les nations, c'est-à-dire une des plus grandes villes du monde.

13. Sub tributo : réduite à une servitude ignominieuse, elle qui avait été princeps provinciarum, la suzeraine des nations voisines.

131. Plorans ploravit : répétition à la façon hébraïque, pour accentuer la pensée : elle a versé des larmes abondantes. Comp. le vers. 16, etc.

132. In nocte : le temps où les âmes affligées sont plus à l'aise pour donner un libre cours à leur tristesse.

133. Lacrymae… in maxillis est un trait pittoresque et pathétique.

134. Non est qui consoletur : voilà bien encore le plus entier abandon.

135. 'Les mots ex omnibus charis… et omnes amici… désignent ceux des peuples d'alentour qui avaient témoigné de l'affection à Sion aux jours de sa prospérité, plus particulièrement l'Egypte.

136. Facti… inimici : non contents de la délaisser, ils se tournent cruellement contre elle au temps de son malheur.

137. 'F-Pn, D2-15858, pp. 105 et s.

138. Ndt. Sic Rosenmuller, Gerlach, Schneedorfer, etc. – Reuss : "elle est réduite en servage." – Sans se prononcer nettement en faveur de la racine masas [Kimchi, Vitringa (sur Is.XXXI, 8), Studer (sur Jug. I, 28)], Gerlach adopte, contre Böttcher (rac. hamas) et Gesenius (contr. pour macas) le sens de corvée pour le mot mas (cf. Gen. XLIX, 15 ; I Rois IX, 21) ; corvée à laquelle auraient été soumis ceux dont il est parlé dans II Rois XXV, 12 ; Jér. XXXIX, 10. Nous admettons le sens mais non l'explication, la première Lamentation étant pour nous antérieure à la seconde déportation (V. supra, p. 21).