Fonctions papales - Saint-Pierre de Rome, pendant la Semaine Sainte

De Lamentations de Jérémie.

Fonctions papales – Saint-Pierre de Rome pendant la Semaine Sainte et cérémonial de la messe solennelle célébrée par le souverain pontife le jour de Pâques :

par le Chevalier Gaetano Moroni, premier Aide de la chambre de S.-S. Grégoire XVI ;

ouvrage traduit de l'italien et enrichi d'un grand nombre de notes par l'abbé J.-B.-E. Pascal, Auteur du Rational liturgique et Raison de la liturgie catholique, des Entretiens liturgiques, des Basiliques de Rome, etc. Ouvrage dédié à son Excellence Monseigneur Raphaël Fornari, Archevêque de Nicée, Nonce apostolique en France

Paris, Lagny Frères, Libraires-Éditeurs, rue Bourbon-le-Château, 1., 1845.

Sommaire

INTRODUCTION

Depuis quelques années le cérémonial de la cour romaine est, en France, l’objet d’un étude beaucoup plus universelle que dans les temps antérieurs. Autrefois, même dans les nombreux voyages que l’on publiât sur l’Italie et sur Rome en particulier on ne décrivait guère que certaines cérémonies éclatantes, comme celles du couronnement ou de l’exaltation d'un pape. Si quelques voyageurs s'occupaient d'une description Plus intime du rite observé dans les grandes solennités du culte, leurs travaux n’intéressaient habituellement qu'une classe très-restreinte de lecteurs. Aujourd’hui la ville éternelle est fréquemment visitée par les Français. Il y a à peine un quart de siècle qu'un voyage à Rome était un événement. Pour ceux qui se trouvent à Rome pendant la semaine sainte, le livre si intéressant de M. Gaëtano Moroni est pour ainsi dire indispensable. Quant aux Français qui ne peuvent faire ce voyage, mais qui sont curieux de connaître le cérémonial de cette grande semaine, à Saint-Pierre du Vatican, une traduction de ce précieux ouvrage les en rendra comme spectateurs. Le chevalier Moroni ne se contente pas de décrire, il remonte à I*origine des cérémonies, compare les anciens rites avec les nouveaux, et sème dans ses récits plusieurs réflexions édifiantes.

Afin de rendre cet ouvrage plus utile aux Français, nous avons joint à notre traduction un grand nombre de notes. Ces observations achèvent d'éclaircir ce qui pourrait laisser quelque obscurité, ou procurent de nouvelles notions.

Nous croyons devoir avertir que nous nous sommes permis, de supprimer quelques détails de notre auteur, soit parce que c'étaient des répétitions, soit parce qu'ils ne pouvaient intéresser que les Romains eux-mêmes. Nous en prévenons dans le cours de notre traduction.

Enfin, pour reposer l'attention, nous avons divisé les chapitres de l'auteur italien en paragraphes précédés de l’indication des matières qui en sont l’objet. C’est la seule modification que nous avons cru pouvoir faire à l’œuvre originale. Le génie français nous a semblé exigé cette dérogation au plan et à la méthode de l'auteur. [p.38]

CHAPITRE II - MATINES DU MERCREDI SAINT OU OFFICE DES TÉNÈBRES ET RITE AVEC LEQUEL LES DERNIERS PAPES ONT CÉLÈBRE LES DIVERSES FONCTIONS DE LA SEMAINE SAINTE.

I. Notions générales

Ces matines sont chantées dans la chapelle du palais qu’habite à cette époque #1 le souverain pontife. Les cardinaux s’y rendent avec un seul carrosse et sont entièrement vêtus de violet. Le pape y porte une mitre de lames d’argent et un pluvial de satin rouge avec une étole violette, s’il ne prend point la chape avec la capuce de soie rouge, et, en ce cas, deux des [p.39] plus anciens évêques assistants au trône portent la queue de sa chape traînante. Autrefois, quand le pape se rendait de la grande chambre des parements à la chapelle, il marchait sans être précédé de la croix ni de personne, et le sacré collège le suivait en chape. Tous les cierges de la chapelle sont en cire jaune. Outre les six qui brûlent sur l’autel et les six autres placés sur la balustrade, on allume quinze autres cierges sur le chandelier triangulaire de bronze nommé la herse. Ce chandelier est placé du côté de l’épître. A la fin de chaque psaume, le dernier maître des cérémonies éteint un de ces cierges. Il y a ici une signification mystique. Cette extinction successive désigne le refroidissement qui s’empara des apôtres et des disciples qui, chancelants dans leur foi, ne restèrent point fermes dans leurs promesses et, l’un après l’autre, finirent tous par abandonner leur divin Maître. Un de ces cierges est resté allumé, et à la fin de l’office on va le cacher sous l’autel. Ceci figure la sainte Vierge, qui demeura fidèle à sa foi en la résurrection de son divin Fils, tandis que celle des autres était évanouie. On peut dire encore que ce cierge caché symbolise notre Rédempteur lui-même qui, au moment où les impies le croyaient à jamais sous l’empire de la mort, ressuscita glorieux le troisième jour, après avoir été pendant ce temps caché et enseveli dans son tombeau.

[p.40] Cet office porte le nom de ténèbres ou d’office nocturne, parce que les anciens chrétiens avaient coutume de la célébrer dans la nuit de ce jour et des deux jours suivants. Il n’y avait pas néanmoins d’heure fixe pour cet office, car en certaines églises on le faisait à la huitième heure de la nuit, en d’autres à minuit même, ou bien à toute heure de la nuit, en sorte que les matines fussent terminées avant l’aurore. Mais depuis longtemps, pour empêcher certains désordres qui pouvaient s’introduire et qui en effet s’étaient introduits, alors que les chrétiens avaient dégénéré de leur ferveur primitive, on régla que ces offices auraient lieu, non point dans les ténèbres de la nuit, ce qui leur avait imposé ce nom, mais en plein jour, les mercredi, jeudi et vendredi saints. Quoique ces offices aient lieu quand le soleil est encore sur l’horizon, on conserve un vestige de l’ancien usage en éteignant successivement les cierges, comme il a été dit, et on considère ces matines comme une représentation des tourments et de la mort du divin Rédempteur, en leur imprimant un caractère de tristesse et de deuil. C’est pourquoi l’Église ne commence point cet office par les invocations accoutumées en conjurant le Seigneur d’ouvrir nos lèvres afin de nous rendre dignes de chanter ses louanges. Pour la même raison, on omet l’invitatoire, et l’on ne termine plus les psaumes par la doxologie Gloria Patri. [p.41] On n’y chante aucune hymne, on n’y donne aucune bénédiction, on n’y lit point de capitule, et chaque heure de l’office se termine par une humble oraison, dans laquelle on supplie le Seigneur de jeter un regard de compassion sur ceux pour l’amour desquels son divin Fils a bien voulu souffrir la mort ignominieuse de la croix.

II. Chant de matines

Le chant de matines commence par l’intonation de l’antienne Zelus : c’est le plus ancien des chantres soprani qui la fait. Le chœur la continue, ainsi que le reste de l’office, entièrement en plain-chant. Les psaumes sont récités lentement et avec mesure. Quand le verset a été chanté, le pape se lève et dit à voix basse Pater noster. Il se rassied ensuite et se couvre de la mitre. Autrefois il se couvrait la tête de la capuce, quand il était revêtu de la chape. On commence la première lamentation en chant figuré à quatre voix, de la composition du célèbre Allegri. Après l’addition connue Jerusalem, Jerusalem, etc., qui se chante sur un ton très-tendre, et qui, sous cette pieuse allégorie, est une invitation adressé aux fidèles afin qu’ils fassent pénitence et travaillent à leur conversion, on chante le répons d’une manière grave. Les seconde et troisième lamentations sont [p.42] chantées par les voix de soprano en plain-chant. On donne le nom d’acrostiche (acrostica) à la disposition de ces lamentations du prophète Jérémie, parce que les lettres initiales de chacun des versets suivent l’ordre de l’alphabet hébreu, telles que aleph, beth, ghimel. Mais comme, en traduisant en latin ces lamentations, on ne pouvait observer l’ordre du texte littéral, l’Église a voulu qu’à la tête de chacune des strophes on plaçât l’ancienne lettre hébraïque par laquelle commençait le verset.

Les leçons des second et troisième nocturnes se disent en cet ordre : le dernier chantre dit la première, l’avant-dernier la seconde, et ainsi de suite pendant les trois jours. Les contralti ou voix de haute-contre désignent les chantres qui doivent chanter les répons : toutes les antiennes sont entonnées par les voix de soprano, et le plus ancien de ces derniers chantres entonne la première de matines, de laudes, et celle du Benedictus, ce fameux cantique de Zacharie, alors que, après avoir recouvré la parole, il l’entonna pour bénir le Seigneur, qui voulait bien se complaire à visiter les hommes et à les rendre dignes du grand bienfait de la rédemption. Au verset : Ut sine timore, on commence à éteindre les six cierges de l’autel : c’est le maître des cérémonies qui en est chargé ; les six autres de la balustrade sont éteints par le bedeau ou l’allumeur des cierges, et le [p.43] dernier verset du cantique se termine quand le dernier cierge, tant de l’autel que de la balustrade, est éteint. Cela se pratique ainsi pour signifier les miraculeuses ténèbres qui, à la mort du Sauveur, couvrirent toute la terre. Cela désigne encore l’aveuglement de la synagogue, si obstinée et si malheureuse quand le Seigneur la livra à l’arrêt de sa réprobation. Les deux anciens chantres à voix de soprano entonnent immédiatement la répétition de l’antienne Traditor autem, qui dure jusqu'au moment où le pape descend de son trône et se met à genoux devant le prie-Dieu. En ce moment les mêmes chantres entonnent le verset : Christus factus est. Au signal du premier maître des cérémonies annonçant que le pape a terminé la récitation secrète du Pater, on commence le très-célèbre Miserere à deux chœurs de quatre voix, composé par Grégoire Allegri. La suave et expressive harmonie de ce chant ravit l’âme des auditeurs, et la porte à la componction et à la piété.

Quand le psaume est terminé, le pape récite l’oraison Respice. Deux patriarches et deux évêques assistants au trône soutiennent le livre et portent le bougeoir. Si le pape est absent, le cardinal-évêque le plus digne, sans quitter sa stalle, récite cette oraison. A la fin de celle-ci on fait un petit bruit. Il en est qui pensent que ce rite tire son origine des Juifs, chez lesquels, au moment où on lisait le livre d’Esther, et [p.44] à l’instant où le nom d’Aman était prononcé, il se faisait un grand tumulte dans la synagogue. Quelques autres sont d’avis que ce bruit est un mémorial de celui que firent les soldats conduits par le traître Judas dans le jardin de Gethsémani pour s’emparer de la personne de Jésus-Christ. Néanmoins Mazzinelli, dans son Explication de la semaine sainte, dont nous adoptons le sentiment de préférence, estime que ce bruit se fait pour représenter l’horrible fracas et la tumultueuse confusion où la nature fut plongée lorsque, le soleil s’étant obscurci à la mort du Rédempteur, la terre trembla, le voile du temple se déchira, les tombeaux s’ouvrirent, les pierres de fendirent, et toute la nature fut comme sur le point de s’anéantir#2. Les Juifs seuls dont la dureté, selon saint Léon le Grand, fut plus grande que celle des pierres, demeurèrent dans leur obstination et dans [p.45] leur incrédulité. Ils n’imitèrent point le centurion et plusieurs autres, qui descendirent abattus de la montagne du Calvaire en se frappant la poitrine, et reconnaissant la divinité de celui qu’ils venaient de voir expirer sur la croix. Le savant Cancellieri dit dans son ouvrage où il décrit les cérémonies de la semaine sainte, que, à l’instant où l’on montre le cierge qui avant été caché sous l’autel, tous les assistants se lèvent, et partent en silence et dans un pieux recueillement.

Si le pape, assistant à matines en chape et en mitre, éprouve quelque incommodité à se tenir couvert de cette dernière, il se la fait ôter, comme le fit Pie VIII. Ce pontife, pour abréger le temps de l’office, se contenta de faire chanter les six premiers versets du Miserere, et la suite fut continuée sur un chant grave et uni, parce que ce pape éprouvait une grande incommodité à se tenir à genoux pendant tout le psaume. Quelques papes se sont dispensé d’assister aux matines de ces trois jours, ou du moins se sont contentés d’y assister comme en particulier, en se tenant dans le petit chœur ou petite loge qui est vis-à-vis du trône, et accompagné seulement d’un camérier secret ou d’un aide de chambre. Nous lisons dans les Observations sur le règlement du chœur des chantres de la chapelle pontificale, par Adami, que les souverains pontifes ont toujours eu soin de se [p.46] procurer pour leur chapelle les meilleurs sujets de l’Europe. Ces chantres ont su apprécier les défauts de l’ancienne musique, et ont mis une grande habileté à la revêtir de la meilleure forme qu’il leur était possible. Dans leurs compositions nouvelles, ils ont su créer le vrai style ecclésiastique, selon le génie de l’antiquité, sans le secours de l’instrumentation. On lit, en preuve de ce que nous disons, dans le Diarium, ou journal de Paris de Grassis, sous le pontificat de Léon X, qu’au mercredi saint de l’an 1514 les chantres de la chapelle papale exécutèrent un nouveau Miserere, dont les versets étaient alternativement chantés en concerto et en solo. Si leur essai ne fut pas très-remarquable, on ne peut pas cependant refuser un éloge à ces chantres, parce qu’ils employèrent tous leurs soins à parvenir à un meilleur résultat. Leurs successeurs, peut-être plus habiles et doués d’un meilleur goût, donnèrent successivement des preuves de leurs connaissances musicales, et laissèrent ces belles compositions qui forment le riche et célèbre recueil des archives de la chapelle pontificale#3.

CHAPITRE III. CHAPELLE PAPALE DU JEUDI SAINT, MESSE, TRANSPORT DU SAINT SACREMENT AU TOMBEAU, BENEDICTION, LAVEMENT DES PIEDS ET REPAS DES APOTRES, REPAS DES CARDINAUX, ET TENEBRES.

IX. Matines des ténèbres du jeudi saint

[p.86] Le trône pontifical de la chapelle est entièrement nu et sans baldaquin, ainsi que l’autel qui n’a pas même de nappe. Le tableau est couvert d’un rideau violet, et la croix est voilée de noir. Le coussin du siège papal et celui du prie-Dieu sont garnis de simple soie violette. Le pavé, les bancs ornés de cor- [p.87] niches de noyer poli sur lesquels sont placés les cardinaux, les prélats, les généraux et les procureurs généraux des ordres religieux, etc., sont sans tapis et autres garnitures. Les cierges, tant de l’autel que des balustres et de la herse, sont de cire jaune#4. La tribune destinée aux souverains est dépouillée de ses velours et damas cramoisis ; elle ne conserve que ses coussins et tentures en soie violette. Si le pape assiste à l’office, il porte la grande cappa de serge rouge, ou bien un pluvial de même couleur : celui-ci était autrefois de couleur noire ou violette, jusqu'au temps où l’Église romaine a voulu se conformer au rite grec et ambroisien où la couleur rouge est un signe de deuil et de tristesse, comme cela avait lieu en plusieurs églises de France#5. Voilà pourquoi le [p.88] souverain pontife use de la couleur rouge au moment où les rubriques romaines prescrivent le violet ou le noir. Sestini ajoute que, lorsque le pape se rendait à cet office en grande cappa, il ne faisait pas porter la croix devant lui.

Les matines du jeudi saint ne diffèrent pont de celles de la veille. Un auteur, Adami, dans ses observations, dit que la première lamentation en chant figuré et à quatre voix est de Palestrina, et que le chant du Jerusalem de la fin est exécuté par une voix de basse. Quant aux deux très-beaux Miserere d’Alexandre Scarlatti et de Félix Anerio, à deux chœurs chacun, le maître de chapelle, selon le même auteur, règle lequel doit être chanté. Mais Cancellieri ajoute qu’on a coutume de chanter le Miserere non moins harmonieux et à deux chœurs dont l’auteur est Thomas Bai. Aujourd’hui on chante aussi le Miserere si vanté du célèbre Joseph Baini. Pour tout le reste, on se conforme à ce qui a été fait le mercredi saint. Si le pape y assiste, il use d’un pluvial rouge avec mitre de toile d’argent et un formal pareil ; autrement, s’il veut assister à cet office sans y présider, il se tient au petit chœur (corette) dont nous avons parlé au précédent paragraphe.

CHAPITRE IV. CHAPELLE PAPALE DU VENDREDI SAINT ET MESSE DES PRESANCTIFIES ; SERMON ; ADORATION DE LA CROIX : PROCESSION DU TOMBEAU ; FIN DE LA MESSE ; VEPRES ET MATINES DES TENEBRES ; ET ADORATION DES RELIQUES MAJEURES DE LA BASILIQUE DU VATICAN.

VII. Matines des ténèbres du vendredi saint

[p.117]Le mystérieux repos du corps du Rédempteur dans son tombeau, la venue de son âme dans les limbes et enfin l’état de Jésus-Christ pendant tout le temps que son âme resta séparée de son corps sont le sujet de cet office jusqu'à la messe. Mais, comme de [p.118] notre temps on anticipe l’office de la nuit de Pâques, qui a lieu le matin du samedi saint, de même en ce soir on anticipe celui du lendemain. Les psaumes de matines sont choisis conformément à l’esprit de ce mystère. Le second psaume de laudes et le cantique sont tirés du mardi, parce qu’ils expriment mieux que ceux du samedi la sépulture de Notre-Seigneur.

Le pape de rend dans la chapelle en mitre de lame d’argent, en étole violette et en pluvial rouge, ou bien en grande chape traînante, dont il met le capuchon sur la tête pendant qu’on chante les psaumes. Les cardinaux y assistent dans le même costume que le matin, avec la chape cardinalice de serge violette. Tout est réglé comme dans les matines des jours précédents. La lamentation, en chant figuré à quatre voix est de Gregorio Allegri, et la finale Jerusalem, etc. est chantée par une voix de soprano. Le Miserere, exécuté comme celui des jours précédents et à deux chœurs, est du même compositeur. La fonction se termine par l’oraison accoutumée : Respice, quaesumus, etc. Nous lisons dans l’ouvrage précité de Gattico cet extrait de Paris de Grassis : « Pour le jour du vendredi saint, à vêpres, j’ai voulu que dans l’oraison Respice, etc., on dit Non nocentium#6, [p.119] afin que de cette manière cela constituât une concordance rhythmique avec le dernier mot tormentum. On dit d’ailleurs que saint Augustin composa cette oraison lorsque la ville d’Hippone était assiégée par les infidèles et que tous les jours on combattait de part et d’autre. Ce saint docteur use souvent dans son style de ces consonances rhythmiques ou plutôt rimes. »

C’est ainsi que se termine cet office des trois jours de ténèbres décrit de la manière suivante par Ambroise Novidius Fraccus dans son livre XIIe des Fastes sacrés, Sacrorum Fastorum, imprimé à Rome en 1547 :

Ter strepuere chori, luces dixere tenebras,
Stant pueri templi fustibus ante fores ;
Perque vias illis arguto garrit in axe
Pendula et insertis versa tabella rotis.

« Trois fois les chœurs ont célébré les louanges divines, le jour a pris le nom de ténèbres. Les enfants, armés de bâtons, se tiennent devant les portes du temple. Dans la voie publique, la tablette crie en roulant sur son axe dentelé. » Ces dernières paroles, beaucoup plus élégantes dans le texte latin, dépei- [p.120] gnent l’instrument nommé crécelle que les enfants font claquer pendant les trois jours des ténèbres de la semaine sainte, après l’office du soir#7.


La didascalie catholique



1. Les palais pontificaux de Rome sont ceux du Vatican auprès de Saint-Pierre, du Quirinal à Montecavallo, de Latran auprès de Saint-Jean de ce nom. Au Vatican sont deux grandes et magnifiques chapelles connues sous les dénominations de Sixtine et Pauline. Au Quirinal il y a une chapelle semblable à la Sixtine du Vatican. On appelle celle-ci pareillement Pauline, il ne faut donc point confondre les deux chapelles dites Paulines. (Note du traducteur)
1. Certains liturgistes ont donné de ce bruit une interprétation littérale. Il tirerait son origine du signal que faisait le célébrant en frappant de la main ou du livre le banc de bois sur lequel il était assis, afin d’indiquer la fin de l’office et inviter le clergé et le peuple à se retirer. Par la suite, les autres membres du clergé auraient imité l’officiant, puis enfin le peuple lui-même se serait associé à ce signal. De là viendrait donc l’usage de faire, en ce moment, beaucoup de bruit avec des instruments en bois et autres. Aujourd’hui, généralement ce bruit se borne à quelques petits coups frappés par l’officiant, avec le livre, sur le prie-Dieu ou accoudoir de sa stalle. (Note du traducteur)
1. M. le chevalier Morosi, en cet endroit, décrit la manière dont cet office a été célébré par divers papes, à partir de l’année 1725, sous le pontificat de Benoît XIII. Différentes raisons personnelles ou autres ont causé ces dérogations au rite normal. Ainsi pour ne citer que la dernière de ces variations, l’office la semaine saint, pendant la captivité du pape Pie VII, n’a pu être célébré avec éclat au Vatican, d’où le saint-père était exilé. Ainsi pareillement Pie VIII, en 1830, ne put, à cause de sa mauvaise santé, préside à cet office et se contenta de donner la bénédiction papale le jeudi saint et le jour de Pâques. Nous avons cru que tous les autres détails pouvaient être omis sans inconvénient. (Note du traducteur)
4. Autrefois l’Église se servait exclusivement de cire jaune, c'est-à-dire dans l’état normal de cette substance. L’industrie est parvenue à donner à la cire la couleur blanche, aux dépens de l’odeur suave et balsamique qu’elle exhale dans son état naturel. En plusieurs provinces de France on se sert encore de cire jaune pour les messes basses, et nous serions tenté de regretter que l’on ait admis pour tous les offices, presque partout, la cire artificiellement blanchie. (Note du traducteur)
5. Dans l’ancien rite gallican, on usait d’ornements rouges pendant tout le temps de la Passion. Aujourd’hui encore à Paris, à Reims, etc., les ornements de ce temps sont noirs avec des orfrois rouges. Ainsi la chasuble a sa croix complètement rouge, et aux chapes le chaperon et ses garniture antérieures sont de la même couleur rouge. On voit que du moins pour ce qui regarde l’habit de chœur du pape, en cette circonstance, l’Église romaine a adopté une couleur empruntée à d’antres rites. (Note du traducteur)
6. Voici le texte : Pro die Veneris sanctae in vesperis volut ut diceretur in oratione Respice, etc. « Non nocentium, ut sic per rhythmum concorrdaret cum verbo ultimo, videlicet tormentum » et le reste.
7. Depuis quelques années on a supprimé l’usage de suspendre devant la Confession ou autel de Saint-Pierre la fameuse croix illuminée, haute de 75 pieds, après l’office du soir du vendredi saint. Il n’y avait point en ce moment d’autre lumière pour éclairer cette immense basilique, et cela produisait des effets merveilleux de clair-obscur. On ne sera pas surpris que cette coutume ait été abolie lorsqu’on aura lu ce passage que nous tirons de l’Histoire de Pie VII, par M. le chevalier Arnaud de Montor : « C’était (la croix dont nous parlons) une idée que Michel-Ange avait empruntée du Paradis de Dante. On doit déplorer à cette occasion le peu de révérence que montrent les étrangers qui se promènent familièrement en parlant haut de leurs sensations, et même souvent de leurs projets d’amusement pour la fin de la soirée. Quelque soin qu’on ait cherché à prendre à cet égard pour éviter toute profanation, mais, on peut le dire, un ensemble d’élite formé de la meilleure compagnie d’Europe, et qui se trouve là réuni, n’a su y apporter le respect convenable, les causeries des protestants, qui devraient cependant, je l’imagine, pour ce qu’ils ont gardé de notre religion, ne pas voir sans un sentiment de vénération la croix de Jésus-Christ, entraînent toujours les catholiques eux-mêmes à commettre cette faute, tandis que le paysan romain, venu de loin pour contempler cette muette cérémonie des fêtes de Pâques, commence et achève en prière avec la dévotion la plus tranquille, et même se relève sans jeter le moindre regard de réprobation sur ceux qui le scandalisent. »

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