L'appellation de "Ténèbres"

De Lamentations de Jérémie.

(Différences entre les versions)
 
(2 versions intermédiaires masquées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
-
Les Lamentations de Jérémie, chantées traditionnellement dans les synagogues le 9<sup>ème</sup> jour d'Ab (juillet-août), jour de jeûne, anniversaire liturgique commun de la destruction du 1<sup>er</sup> et du 2<sup>nd</sup> Temples de Jérusalem, adoptées par la communauté chrétienne vers le VIII<sup>e</sup> siècle, étaient chantées initialement aux ''Vigiliæ'' , qui dès le haut Moyen Âge prit successivement les noms de ''Agenda Vigilarum'', ''Officium nocturnale'' et ''Nocturnum''.  
+
Les Lamentations de Jérémie, chantées traditionnellement dans les synagogues le 9<sup>ème</sup> jour d'Ab (juillet-août), jour de jeûne, anniversaire liturgique commun de la destruction du 1<sup>er</sup> et du 2<sup>nd</sup> Temples de Jérusalem, adoptées par la communauté chrétienne vers le VIII<sup>e</sup> siècle, étaient chantées initialement aux ''Vigiliæ''<sup>[[#1]]</sup>, qui dès le haut Moyen Âge prit successivement les noms de ''Agenda Vigilarum'', ''Officium nocturnale'' et ''Nocturnum''.  
-
Saint-Benoît avait fixé le Nocturne à la 8<sup>ème</sup> heure de la nuit c'est-à-dire vers 2 heures du matin. Mais à la fin du Moyen Âge, l'office se célébrait un peu avant l'aurore (''Matuta'') d'où le nom ''ad Matutinum''. L'habitude se prit dès le XII<sup>e</sup> siècle d'anticiper les Matines la veille en fin d'après-midi pour faciliter la participation des fidèles. On voit dans l'Ordre Romain de Gaïetan, qui est du quatorzième siècle, qu'on commençait à Rome pour lors à dire les Ténèbres le soir précédent, ''In die Mercurii de sero hora a competenti D. Papa veniret ad Officium Matutinorum'' .
+
Saint-Benoît avait fixé le Nocturne à la 8<sup>ème</sup> heure de la nuit c'est-à-dire vers 2 heures du matin. Mais à la fin du Moyen Âge, l'office se célébrait un peu avant l'aurore (''Matuta'') d'où le nom ''ad Matutinum''. L'habitude se prit dès le XII<sup>e</sup> siècle d'anticiper les Matines la veille en fin d'après-midi pour faciliter la participation des fidèles. On voit dans l'Ordre Romain de Gaïetan, qui est du quatorzième siècle, qu'on commençait à Rome pour lors à dire les Ténèbres le soir précédent, ''In die Mercurii de sero hora a competenti D. Papa veniret ad Officium Matutinorum''<sup>[[#2]]</sup>.
-
Les ''lectures'', ''de lectiones'' en latin, traduit en français par ''leçons'' , prennent ensuite le nom de ''Leçons de Ténèbres'' afin de symboliser les souffrances et la mort du Christ :  
+
Les ''lectures'', ''de lectiones'' en latin, traduit en français par ''leçons''<sup>[[#3]]</sup>, prennent ensuite le nom de ''Leçons de Ténèbres'' afin de symboliser les souffrances et la mort du Christ :  
:::''En elle, la vie''
:::''En elle, la vie''
:::''la vie, lumière des hommes''
:::''la vie, lumière des hommes''
Ligne 9 : Ligne 9 :
:::''la nuit ne l'a pas saisie.'' (St Jean 1:4 et 5)
:::''la nuit ne l'a pas saisie.'' (St Jean 1:4 et 5)
-
Cette désignation est sans doute une reprise des anciennes liturgies, car Grégoire de Tours signalait au VIe siècle que la nuit du Jeudi au Vendredi Saint, ''on fait vigile sans lumière ''(''De Gloria martyrorum'' 1,5).
+
Cette désignation est sans doute une reprise des anciennes liturgies, car Grégoire de Tours signalait au VI<sup>e</sup> siècle que la nuit du Jeudi au Vendredi Saint, ''on fait vigile sans lumière ''(''De Gloria martyrorum'' 1,5).
-
''Autrefois cet office avait'' [donc] ''lieu dans la nuit, et aujourd'hui encore presque partout il se célèbre vers le soir. On veut rappeler par là que le Sauveur fut arrêté au milieu d'une nuit sombre, et que ce fut dans les ténèbres qu'il endura les maux de la passion et les outrages du peuple. L'Eglise exprime en même temps par là son deuil, car la nuit avec ses ombres silencieuses a toujours été le symbole de la douleur et du désespoir. Cet office est d'ailleurs parfaitement propre à nous disposer à des sentiments tristes et douloureux… Enfin à Matines et Laudes, on éteint peu à peu toutes les lumières sauf une, de sorte que finalement l'église reste plongée dans l'obscurité. – Toutes ces pratiques ont fait donner à l'office le nom de Ténèbres''.  
+
''Autrefois cet office avait'' [donc] ''lieu dans la nuit, et aujourd'hui encore presque partout il se célèbre vers le soir. On veut rappeler par là que le Sauveur fut arrêté au milieu d'une nuit sombre, et que ce fut dans les ténèbres qu'il endura les maux de la passion et les outrages du peuple. L'Eglise exprime en même temps par là son deuil, car la nuit avec ses ombres silencieuses a toujours été le symbole de la douleur et du désespoir. Cet office est d'ailleurs parfaitement propre à nous disposer à des sentiments tristes et douloureux… Enfin à Matines et Laudes, on éteint peu à peu toutes les lumières sauf une, de sorte que finalement l'église reste plongée dans l'obscurité. – Toutes ces pratiques ont fait donner à l'office le nom de Ténèbres''<sup>[[#4]]</sup>.  
&#10152;  [[Propos sur l'Office des Ténèbres|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
&#10152;  [[Propos sur l'Office des Ténèbres|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
 +
 +
 +
----
 +
:<span style="color:#808080;"><span id="1">'''1'''. ''Garde de nuit, veille de l'une des quatre parties de la nuit, chez les Romains, du crépuscule jusqu'à 6 heures du matin.''</span>
 +
:<span style="color:#808080;"><span id="2">'''2'''. ''M. Grancolas, op. cité, p. 243.''</span>
 +
:<span style="color:#808080;"><span id="3">'''3'''. ''Dans la liturgie catholique, péricope (section, pensée renfermée dans une phrase) de la Bible où d'un livre ecclésiastique, prescrite dans les divers offices.''</span>
 +
:<span style="color:#808080;"><span id="4">'''4'''. ''I. Goschler, op. cité, pp. 55 à 57.''</span>

Version actuelle en date du 2 juillet 2010 à 08:43

Les Lamentations de Jérémie, chantées traditionnellement dans les synagogues le 9ème jour d'Ab (juillet-août), jour de jeûne, anniversaire liturgique commun de la destruction du 1er et du 2nd Temples de Jérusalem, adoptées par la communauté chrétienne vers le VIIIe siècle, étaient chantées initialement aux Vigiliæ#1, qui dès le haut Moyen Âge prit successivement les noms de Agenda Vigilarum, Officium nocturnale et Nocturnum.

Saint-Benoît avait fixé le Nocturne à la 8ème heure de la nuit c'est-à-dire vers 2 heures du matin. Mais à la fin du Moyen Âge, l'office se célébrait un peu avant l'aurore (Matuta) d'où le nom ad Matutinum. L'habitude se prit dès le XIIe siècle d'anticiper les Matines la veille en fin d'après-midi pour faciliter la participation des fidèles. On voit dans l'Ordre Romain de Gaïetan, qui est du quatorzième siècle, qu'on commençait à Rome pour lors à dire les Ténèbres le soir précédent, In die Mercurii de sero hora a competenti D. Papa veniret ad Officium Matutinorum#2.

Les lectures, de lectiones en latin, traduit en français par leçons#3, prennent ensuite le nom de Leçons de Ténèbres afin de symboliser les souffrances et la mort du Christ :

En elle, la vie
la vie, lumière des hommes
et la lumière brille à travers la nuit
la nuit ne l'a pas saisie. (St Jean 1:4 et 5)

Cette désignation est sans doute une reprise des anciennes liturgies, car Grégoire de Tours signalait au VIe siècle que la nuit du Jeudi au Vendredi Saint, on fait vigile sans lumière (De Gloria martyrorum 1,5).

Autrefois cet office avait [donc] lieu dans la nuit, et aujourd'hui encore presque partout il se célèbre vers le soir. On veut rappeler par là que le Sauveur fut arrêté au milieu d'une nuit sombre, et que ce fut dans les ténèbres qu'il endura les maux de la passion et les outrages du peuple. L'Eglise exprime en même temps par là son deuil, car la nuit avec ses ombres silencieuses a toujours été le symbole de la douleur et du désespoir. Cet office est d'ailleurs parfaitement propre à nous disposer à des sentiments tristes et douloureux… Enfin à Matines et Laudes, on éteint peu à peu toutes les lumières sauf une, de sorte que finalement l'église reste plongée dans l'obscurité. – Toutes ces pratiques ont fait donner à l'office le nom de Ténèbres#4.


Retour au sommaire



1. Garde de nuit, veille de l'une des quatre parties de la nuit, chez les Romains, du crépuscule jusqu'à 6 heures du matin.
2. M. Grancolas, op. cité, p. 243.
3. Dans la liturgie catholique, péricope (section, pensée renfermée dans une phrase) de la Bible où d'un livre ecclésiastique, prescrite dans les divers offices.
4. I. Goschler, op. cité, pp. 55 à 57.

Outils personnels