Les autres rites

De Lamentations de Jérémie.

On a peu l'habitude de voir réunis dans un même ouvrage, les rites des quatre grandes religions chrétiennes. Pourtant, chacune d'elle célèbre à sa façon le rite pascal soit parce qu'il est ancré dans les traditions ancestrales (juif), soit parce qu'il est issu de la Passion du Christ pour les trois autres religions (catholique, protestant et orthodoxe).

1. Les rites orthodoxes

2. Les rites protestants

L E protestantisme est issu des grandes réformes prônées notamment par Jean Calvin en France et Martin Luther en Allemagne au XVIe siècle. Il connaît aujourd'hui une grande diversité qui est à la fois une force et une faiblesse. Calvin et Luther n'était pas ignorant de la force musicale dans les offices religieux. Si Luther lui reconnaissait des vertus comme un don de Dieu, et bien qu'il n'ait pas les dons et les connaissances de Luther, il se laissa influencer pour son introduction mais avec mesure : Quant est des prières publiques, il y en a deux espèces : les unes se font par simples paroles, les autres avec chant, et ce n'est pas chose inventée depuis peu de temps ; car dès la première origine de l'Eglise, cela a été, comme il appert par les histoires ; et même saint Paul ne parle pas seulement de prier de bouche, mais aussi de chanter. Et, à la vérité, nous connaissons par expérience que le chant a grande force et vigueur d'émouvoir et enflamber le cœur des hommes, pour invoquer et louer Dieu d'un zèle plus véhément et plus ardent . La Fédération Protestante de France (FPF) en propose la classification non exhaustive suivante : • Églises luthériennes, • Églises réformées et méthodistes, • Églises évangéliques : Armée du Salut, Baptistes, Nazaréen, Adventiste et Mennonites, • Églises pentecôtistes : Apostolique, de Dieu, Tzigane, Rochefort, Foursquare, Agapé, Baptistes charismatiques, Union d'Églises Protestantes en Mission, etc., • Communauté protestante interdénominationnelle en incluant les quakers, auxquelles il faut rajouter les églises protestantes non implantées en France : Frères moraves, Église non-conformiste, Église presbytérienne, puritains, etc. ou celles présentes en France mais en provenance de pays étrangers : Églises protestantes malgache, africaine, chinoise, coréenne, kabyle, presbytérienne écossaise, luthérienne suédoise, etc. Chaque Église conduit un culte qui lui est propre et qui peut être différent localement au sein d'une même Église. On peut donc affirmer qu'il n'existe pas un culte unique mais des cultes célébrés dans la tradition de chacune de ces églises. Toutefois, toutes les célébrations s'appuient sur la parole et le chant. Trait d'union entre toutes les Églises, la Bible est le noyau central d'où sont tirées les lectures et les prédications et ce, quelle que soit l'Église. Le chant, accompagné ou non, repose principalement sur les cantiques de louange et d'adoration. Comme le précise le pasteur Gill Daudé du Service Œcuménique de la FPF, on doit distinguer les Églises qui n'ont pas une tradition liturgique fixe de celles qui ont une tradition liturgique séculaire. Dans le 1er cas, les textes bibliques varient suivant l'inspiration du prédicateur, du président du culte ou de l'équipe dirigeante. C'est le cas des Églises pentecôtistes et évangéliques. Dans le 2ème cas, la liturgie est plus précise encore que souvent dépendante du pasteur. C'est le cas des Églises Réformées ou Luthériennes. Le pasteur Daudé précise par ailleurs que les Lamentations de Jérémie ne sont pas systématiquement lues au cours des cérémonies plus ou moins marquées de la semaine précédant Pâques. Par contre, elles sont proposées à plusieurs occasions au cours du cycle triennal liturgique. Par exemple, dans la liturgie luthérienne actuelle, la lecture en est faite le 5ème dimanche du temps de l'Église de l'année B (versets 3:22 à 33) ou dans l'Église évangélique luthérienne de France ou le 16ème dimanche après la Trinité. Le verset 3:25 est également utilisé comme promesse de grâce après la confession des péchés et avant l'absolution au temps de la Septuagésime. Enfin, les versets 3:22 à 26 & 31 à 33 sont suggérés comme acclamation d'ouverture ou comme une lecture biblique possible lors de services funèbres. Du côté de l'Église réformée, la rénovation liturgique actuellement en cours n'a pas formalisé le cycle pascal. On sait toutefois, en se référant à l'ancienne liturgie dite liturgie verte de 1963, que les Lamentations n'apparaissent dans aucune lecture si le cycle dure quatre ans, mais sont bien présentes sur un cycle triennal (commun aux Églises luthériennes et réformées) où il est conseillé de lire les versets 1:1 à 5 et 12, 2:1 à 11 et 13 le lundi de la Semaine Sainte, les versets 3:1 à 6, 18 à 27, 39 et 49 à 60 le mardi, les versets 4:1 et 2 à 6, 12 à 16 et 20 le mercredi, et les versets 5:1 à 3 et 15 à 22 le jeudi. Le Samedi Saint, au cours de la vigile pascale, les versets 3:55 à 58 sont lus dans l'adoration du début et les versets 3:1 à 7 et 18 à 33 à choisir dans les lectures.

Rite de la Communauté des Diaconesses de Reuilly Dans la Communauté des Diaconesses de Reuilly qui suit l'ancien office de Taizé, les Lamentations de Jérémie sont récitées à 8 heures aux Laudes des Jeudi, Vendredi et Samedi Saints. Rappelons que l'ancien office de Taizé est issu des travaux d'un groupe de travail suisse Église et liturgie qui a œuvré dans les années 1960 sur le déroulement des offices. Les cérémonies au cours desquelles les lamentations sont récitées mais non chantées sont bâties sous forme de veille classique. Elles se déroulent en l'absence du pasteur. La chapelle et notamment l'autel est dépouillée de tous ses apparats habituels. Il n'y a pas de cérémonial particulier et les sœurs sont réparties en demi-cercle face à l'autel. On retrouve ici l'aspect trinitaire donné à ce rite : trois jours, trois veilles, trois lamentations. Donnés à titre d'exemple, les offices suivent le cycle ci-dessous. Ils concernent la seule communauté monastique de l'hôpital des Diaconesses. En effet, suivant les effectifs et les capacités des communautés composant la congrégation, la structure des offices n'est pas modifiée mais son déroulement est plus ou moins allégé.

Jeudi Saint, matin 1ère veille Antienne : Arrière, ceux que flatte mon malheur ou Mon Dieu, délivre-moi des mains de l'impie. Psaume 70 chanté sur un ton propre à la communauté Verset : Le zèle de ta maison me dévore, Répons : L'insulte qui t'insulte tombe sur moi. Lamentations de Jérémie : versets 1:1 à 5 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) versets 1:6 à 9 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) versets 1:19 à 22 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) Grand Kyrie 2ème veille (enchaînée sans interruption) Antienne : Lève-toi ô Dieu, plaide ta cause. Psaume 41 sur un ton propre à la communauté Verset : Délivre-moi de la main de l'impie, Répons : Des prises du fourbe et du violent. Lecture : Deutéronome 16:1 à 3 Répons : L'esprit est ardent. 3ème veille (enchaînée sans interruption) Antienne : Au jour d'angoisse je cherchais le Seigneur Psaume 77 sur un ton propre à la communauté Verset : Lève-toi, ô Dieu Répons : Plaide ta cause. Lecture : Luc 22:7 à 20 Hymne : Le Fils bien-aimé. Suit la Louange matinale.

Vendredi Saint, matin 1ère veille Antienne : Les rois de la terre se lèvent ou Ils partagent entre eux mes vêtements. Psaume 2 chanté sur un ton propre à la communauté Verset : Le cœur me bat, ma force m'abandonne, Répons : Et même la lumière de mes yeux. Lamentations de Jérémie : versets 3:1 à 9 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) versets 3:10 à 18 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) versets 3:19 à 26 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) Grand Kyrie 2ème veille (enchaînée sans interruption) Antienne : Contre moi ont surgi des orgueilleux, des forcenés pourchassent mon âme. Psaume 26 sur un ton propre à la communauté Verset : Contre moi se sont levés de faux témoins, Répons : Qui soufflent la violence. Lecture : Hébreux 9:11 à 15 Répons : Jésus, souviens-toi de moi. 3ème veille (enchaînée sans interruption) Antienne : On s'attaque à la vie du Juste et le sang innocent on le condamne. Psaume 129 sur un ton propre à la communauté Verset : De paroles de haine on m'entoure Répons : On m'attaque sans raison. Lecture : Jean 18:1 à 11 Hymne : Mon âme est triste à en mourir. Lecture : Jean 18:12 à 27 Hymne : L'esprit est ardent et la chair est faible. Lecture : Jean 18:28 à 40 Hymne : Tu m'as crucifié en délivrant Barabbas. Suit la Louange matinale.

Samedi Saint, matin 1ère veille Antienne : Mon cœur exulte, mon âme jubile, ma chair reposera en sûreté. Psaume 15 chanté sur un ton propre à la communauté Verset : Dans la paix je m'endormirai, Répons : Et bientôt je reposerai. Lamentations de Jérémie : versets 3:27 à 33 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) versets 3:46 à 58 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) versets 5:15 à 22 récités, Jérusalem chanté (André Gouzes) Grand Kyrie 2ème veille (enchaînée sans interruption) Antienne : Je le crois, je verrai la bonté de Dieu sur la terre des vivants. Psaume 30 sur un ton propre au monastère de Lérins Lecture : I Pierre 3:18 à 22 Répons : En raison du mal le juste est enlevé. 3ème veille (enchaînée sans interruption) Antienne : Tu m'as mis au tréfonds de la fosse, dans les ténèbres, au sein des abîmes. Psaume 88 sur un ton propre à la communauté Verset : Voici Dieu qui vient à mon secours Répons : Le Seigneur avec ceux qui me soutiennent. Lecture : Matthieu 27:57 à 66 Hymne : O Christ tu fus déposé dans le tombeau. Méditation. Suit la Louange matinale. En complément de ces indications, notons que le verset 1:12 des Lamentations, également utilisé en répons dans le rite catholique, est également repris au sein de la communauté, le lundi soir et le mercredi matin en réponse à l'Evangile du jour.

Rite de la communauté de Crêt-Bérard Les offices du matin de la Semaine Sainte tel qu'ils sont priés à Crêt-Bérard dans le canton de Vaud en Suisse, retiennent les versets 1:8 à 14 suivis du Jérusalem le Jeudi Saint, les versets 3:1 à 6 pour le Vendredi Saint, le verset 1:12 pour l'introduction de l'office de la 9ème heure du même jour, les versets 3:27 à 33 et 55 à 58 pour le Samedi Saint.

Extrait de L'office divin tel qu'il est prié à Crêt-Bérard. Ed. Labor et fides. Genève. 1987. Montrés comme exemples de pratiques et non comme modèles, les rites sont appliqués de manière souple par le pasteur ou la communauté. Cependant, dans les Églises historiques, des liturgies nationales validées par les synodes servent de référence et maintiennent une certaine unité, en particulier quant à l'Ordo. Ainsi, un luthérien ou un réformé retrouve le même ordre liturgique dominical, à quelques variantes près, dans l'ensemble des paroisses. Ceci est moins vrai pour les liturgies de la Semaine Sainte pour lesquelles règne une plus grande diversité du côté réformé que du côté luthérien, unifiée cependant par les lectures des Evangiles au centre de chaque célébration. Ces liturgies demeurent réformables selon un processus synodal bien déterminé qui engage l'ensemble des paroisses. Sur un plan strictement musical, on trouve quelques cantiques reprenant tout ou partie des textes des Lamentations de Jérémie mais pratiquement pas de composition sacrée comme dans l'Église catholique ou dans les Synagogues.

3. Le rite judaïque

L A liturgie catholique trouve son origine dans la prière juive. Elle en est la continuation naturelle. Il en est ainsi avec les Heures et autres textes ou formules liturgiques y compris le Notre Père. Un parallèle peut être soutenu sans danger même au niveau des grandes fêtes annuelles comme la Pâque pour les juifs et Pâques pour les chrétiens. Il ne serait pas surprenant de trouver un jour que les cérémonies de la Semaine Sainte proviennent également des fêtes juives. Les Lamentations de Jérémie sont récitées ou chantées le 9 d'Av (Tisha bé Av תשעה באב) de chaque année (le 18 juillet 2002, le 7 août 2003, etc., puisque les dates mobiles suivent le cycle lunaire et solaire). Rappelons en quelques mots la signification de cette fête. Ce jour-là, les juifs se remémorent, entre autres, les catastrophes suivantes : • la promulgation de l'interdiction d'entrée en terre d'Israël pour la génération du désert (Dévarim 1, 35 et Taânite 26b) : Vous vous êtes lamentés sans raison ; Je vais vous donner des raisons de vous lamenter, vous et vos générations à venir ; • l'incendie, en 586 BC, avant l'ère commune ou vulgaire pour les juifs, par les troupes de Nabuchodonosor du premier Temple (Ta'ânite 29a) ; • après sa destruction, la charrue est passée en 68 de notre ère (an 3828 du calendrier juif) sur l'emplacement du second Temple, par le romain Turnus Rufus, selon Ta'ânite 26b : Sion sera labourée comme un champ et Jérusalem deviendra un monceau de ruines ; c'est Aelia Capitolina que les romains construisent sur l'ancienne capitale ; • la destruction en 135 de notre ère de Bétar (fortification de résistance des Juifs avec Bar Kokhba) par les Romains et l'interdiction d'enterrer les morts parce que les Sages de Jérusalem méprisaient ceux de Bétar et les opprimaient ; • de nombreuses autres catastrophes comme le suicide collectif des juifs de York durant les émeutes antisémites de 1190, l'expulsion d'Angleterre en 1205, l'extermination en 1298 de la communauté de Meiningen en Allemagne, l'expulsion de France en 1306 par Philippe IV, l'expulsion par les rois catholiques d'Espagne en 1492, la création du ghetto de Florence en 1571, l'expulsion des juifs de Vienne en 1670 ; • l'abolition en 1882 par le gouvernement turc de l'autorisation donnée aux Juifs de s'établir en Eréts d'Israël ; • l'extermination en 1941 de la communauté de Czernovitz en Ukraine ; • la fusillade en 1943 de 600 juifs du ghetto de Sosnoviec en Pologne. Les Lamentations sont donc étroitement liées aux épreuves du peuple juif au travers de son existence. Le 9 d'Av est un jour de grand jeûne exceptionnel pour tous les juifs. Les prescriptions sont strictes tant en matière de restriction alimentaire (c'est une obligation pour tout Israël, hormis ceux qui ne peuvent supporter le jeûne en raison de leur santé) qu'en matière relationnelle ou vestimentaire. On ne peut étudier que le livre de Job, les Lamentations et ses commentaires ou les livres d'histoire qui décrivent les catastrophes, car ils alimentent l'esprit du deuil (Choul'han 'Aroukh – Maran ch. 553-1 à 4), ceci en référence au Psaume CXIX : les préceptes de l'Éternel sont droits, ils réjouissent le cœur. A la synagogue, ou beth haknesseth , au cours des offices darvith le soir du 9 d'Av, l'obscurité règne et seules subsistent quelques bougies pour lire ou chanter par un hazzan à leur lueur l'intégralité des lamentations Eikha, les récits plaintifs, les kinote, et les litanies de circonstances (Maran ibid.) sur un ton grave et monotone. Le rideau (parokhète) de l'armoire aux rouleaux de Torah (arone haqqodéche) est changé ou retiré. Les participants sont assis par terre, comme endeuillés (Maran ch. 559-3), mais peuvent utiliser un petit coussin ou un tabouret (Kol Sinaï 5722. 9 av. 31). Au chapitre VIII des Jeusnes commandez & volontaires de l'ouvrage de Simonville , on peut relever dès le XVIe siècle cette coutume : V. Le 9. d'au est un Jeusne nommé tisha beau, qui est plus grand que les autres. Car ce fut ce jour-là que Nabucod Nosor brûla le Temple, & qu'à pareil jour l'Empereur Titus le brûla depuis. Ce Jeusne commence la veille, une heure, ou à peu près, avant le Soleil couchant, que l'on cesse de manger & de boire ; jusqu'à ce que le lendemain au soir les estoiles apparoissent ; & de meurent tout ce temps-là pieds nuds, ou sans souliers de cuir, & sans se pouvoir laver. VI. Le soir après que la priere ordinaire est finie dans la Synagogue, ils s'asséent par terre, & lisent les Lamentations de Jeremie. Ils font la mesme chose le lendemain, ajoustant beaucoup d'autres lamentations à celles-cy, demeurant tristes tout le jour, ne leur estant pas permis d'estudier dans la Loy ; mais seulement de lire Job, Jeremie, & autres livres affligeans. Les signes extérieurs de tristesse sont là pour aider la réflexion intérieure afin qu'elle soit attristée par la destruction du bonheur basé sur la Torah de vie, le Peuple de la Torah de vie et la Terre de la Torah de vie. Selon certains rites, on lit Eikha également au cours de l'office du matin, chakharith, du 9 Av. Les courants réformés américains, qui semblent se diriger vers des cérémonies particulières, ont abandonné ces coutumes traditionnelles. Comme l'indique Haïk Vantura, les synagogues permettaient les cantillations traditionnelles et non au Temple de Jérusalem comme on pouvait l'imaginer. Dans ce domaine, chaque synagogue avait ses propres habitudes et ses propres problèmes. Les textes sacrés étaient chantés non par des chantres instruits mais par une personne ayant de préférence une belle voix. Ce n'est qu'au VIe siècle, qu'apparut le hazan, un chantre attitré . Après de longues recherches sur le déchiffrement de la cantillation traditionnelle juive, Haïk Vantura établit une similitude sérieuse et fondée des figures mélodiques entre le plain-chant et la tradition synagogale de Damas afin de démontrer leur origine unique. Nous ne retiendrons qu'ici un petit extrait pour illustrer la qualité de cette recherche. Il concerne plus particulièrement le début du 1er verset du 1er chapitre des Lamentations : Quomodo sedet sola civitas plena populo…


Haïk Vantura, extr. exemple p. 171.

Il serait long d'exposer ici la théorie du déchiffrement pour obtenir ce résultat mais il y a lieu de signaler que le processus est longuement analysé dans la 2ème partie de son ouvrage. Le lecteur pourra s'y référer utilement pour ses propres recherches ou pour satisfaire tout simplement sa curiosité. En France, les communautés juives étaient peu nombreuses. La tradition comprenait trois branches : l'autochtone, dite comtadine, constituée et conservée dans les quatre communautés – Aix, Cavaillon, Carpentras, Isle-sur-Sorgue - du Comtat Venaissin ; la portugaise, importée d'Espagne et pratiquée dans les communautés sefardies de Bordeaux, Bayonne et autres villes du Midi, ainsi, sans doute, qu'à Paris ; enfin l'alsacienne, la plus répandue, d'origine rhénane, était en usage parmi les juifs askenazis de l'Est de la France et de la capitale. Entre ces trois ramifications d'une même souche, les divergences sont moins significatives que les similitudes. La musique synagogale est de type monodique et modale excluant l'emploi des instruments. Elle traduit parfaitement la ferveur attendue de la prière juive. Après quelques déviations dues à des effets de modes (et non modales), Samuel Naumbourg (1815-1880), chef de chœur à Strasbourg, puis ministre-officiant à Paris, donna le coup de pouce indispensable pour un retour à la tradition qui se perpétue encore aujourd'hui. Des grands maîtres lui ont succédé comme Samuel David (1838-1895), Jules Franck (1858-1941), Ernest Bloch (1880-1959) et, plus près de nous encore, Darius Milhaud (1892-1974). Le texte biblique n'est pas fondamentalement différent de celui que nous trouvons dans la Bible et, comme le dit Yehoshua Ra'hamim Dufour, ce texte nous place dans une relation conjugale entre le Créateur et nous, dans des niveaux intimes et secrets, jusqu'aux moments les plus tragiques de l'existence. Voici le début de la traduction du texte, tout au moins les trois premiers versets du premier chapitre :

1. Hélas ! Comme elle est assise solitaire, La ville si peuplée autrefois, Et maintenant comme une veuve ! Immense parmi les nations, Princesse parmi les Etats, Elle est réduite à payer tribut ! Eikha yachéva vadad. Haîr rabbati âm, Hayéta kéalmana, Rabbati vagoyim, Sarati bamédinote, Hayéta la mas. 2. Elle pleure sans cesse la nuit, Et ses larmes couvrent ses joues. Elle n'a pas de consolateur Parmi tous ceux qui l'aimaient. Tous ses amis l'ont trahie Et sont devenus ses ennemis. Bakho tivké balaila, Védimâtah âl lé'héyah, Eïne la ména'hém, Mi kol ohavéiya, Kol réêya baguédou va, Hayou la léoyévim. 3. Yéhouda est allée en exil, Victime de la pauvreté et d'une grande servitude ; Elle habite au milieu des nations, Et elle n'y trouve pas de repos ; Tous ses persécuteurs l'ont surpris Dans l'angoisse de défilés ressérés. Galéta Yéhouda, Méôni oumérov âvoda, Hi yachéva vagoyim, Lo matsea manoa'h, Kol rodéféya hissigouah, Béin hammétsarim.

Texte de Eikha, les Lamentations (traduction Yehoshua Ra'hamim Dufour) .



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