L'évolution du texte biblique français depuis son origine - XXIe siècle

De Lamentations de Jérémie.

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Le Bible expliquée de la Société biblique française a été éditée pour la 1ère fois en 2004. Elle est le résultat d'une traduction de l'hébreu et du grec en français courant .
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En 2000, paraît la ''Bible Parole de vie'' qui connaîtra plusieurs éditions<sup>[[#176]]</sup>. Le texte qui est le résultat d'une traduction en "français fondamental", le vocabulaire étant volontairement restreint à 3 000 mots, en est le suivant :
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1 Hélas ! la voilà toute seule, la cité autrefois si fréquentée !
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{| align="center" border="0" cellspacing="20" style="background-color:#FCFFE5"
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Elle, si renommée parmi les nations, la voilà comme veuve.
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Hier princesse dominant les provinces,
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:'''1''' <sup>1</sup>''Hélas ! la voici abandonnée'',
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la voilà réduite au travail des esclaves.
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:''cette ville autrefois si peuplée'' !
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2 Elle passe la nuit à pleurer, ses joues ruissellent de larmes.
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:''Elle est comme une veuve'',
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Parmi tous ses amis, plus personne pour la réconforter.
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:''celle qui était si célèbre''
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Tous ses amis l'ont abandonnée,
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:''parmi tous les peuples''.
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ils sont maintenant des ennemis pour elle.
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:''La voilà esclave'',
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:''celle qui était une reine''
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:''parmi les provinces'' !
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:<sup>2</sup>''Elle passe ses nuits à pleurer'',
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:''et ses joues sont couvertes de larmes''.
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:''Parmi ceux qui l'aimaient,''
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:''personne ne la console''.
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:''Tous ses amis l'ont trahie'',
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:''ils sont maintenant ses ennemis''.
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La même année, les rabbins Nosson Scherman, educateur, auteur et orateur, et Meir Zlotowitz, auteur et éditeur, édite un ouvrage intitulé Megillat Ekah, la traduction et les commentaires étant fondés sur les sources talmudiques, midrachiques et rabbiniques . La traduction originale du texte biblique a été réalisée d'après la Bible du Rabbinat français, celle du commentaire et de l'introduction par le rabbin Jean-Jacques Gugenheim.
 
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I Hélas ! Elle est assise solitaire ! La ville naguère populeuse est devenue comme une veuve. Elle, si puissante parmi les nations, princesse parmi les provinces, a été rendue tributaire.
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En 2000, paraît également une traduction du texte de ''Eikha'' par le Rav Yehoshua Ra'hamim Dufour<sup>[[#177]]</sup>.
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2 Elle pleure amèrement dans la nuit, les larmes inondent ses joues ; elle n'a point de consolateur parmi tous [p. 55] ceux qui l'aimaient ; tous ses amis l'ont trahie et sont devenus ses ennemis.
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La Bible dite du Semeur (BDS) parue en 1992 sous l'égide de la Société biblique internationale , a élaboré un texte compréhensible par un large public en visant à traduire le sens des phrases plutôt qu'à offrir une correspondance exacte entre les mots du texte original et les mots de la traduction :
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:'''1''' ''Hélas! Comme elle est assise solitaire,''
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:''la ville si peuplée autrefois'',  
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:''et maintenant comme une veuve'' !
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:''Immense parmi les nations'',
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:''princesse parmi les Etats'',
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:''elle est réduite à payer tribut'' !
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:'''2''' ''Elle pleure sans cesse la nuit'',
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:''et ses larmes couvrent ses joues''.
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:''Elle n'a pas de consolateur''
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:''parmi tous ceux qui l'aimaient''.
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:''Tous ses amis l'ont trahie''
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:''et sont devenus ses ennemis''.
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Comment elle reste solitaire
 
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la cité qui, naguère, était si populeuse !
 
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Elle est comme une veuve !
 
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Elle qui était importante au milieu des nations,
 
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princesse des provinces,
 
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elle est astreinte à la corvée !
 
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Tout au long de la nuit, elle pleure, et ses larmes ruissellent sur ses joues.
 
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De tous ceux qui l'aimaient,
 
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aucun ne la console :
 
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Tous ses compagnons l'ont trahie
 
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et ils sont devenus ses ennemis.
 
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La Bible d'étude Semeur, parue peu de temps après en 2000, présente bien entendu le même texte mais avec des références aux autres textes bibliques et des commentaires afin de faciliter une étude approfondie.
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La littérature française entretient ainsi avec la Bible une relation paradoxale et plus riche que les autres littératures européennes mais, comme le dit Paul Claudel en 1936, ''malheureusement les Bibles de langue française ne nous donnent que des transcriptions pauvres et plates, sans résonance et sans poésie''. Il est vrai que les traducteurs français n'associaient jamais d'écrivains contemporains. ''Trop souvent les traductions de la Bible en français sont issues d'une pensée de la langue, des langues, ou d'une pensée de l'histoire et de l'archéologie des textes, rarement, voire jamais, d'une pensée de la littérature'', est-il dit dans la partie introductive de la Bible. C'est chose faite avec la Bible [des écrivains] depuis 2001 avec le ''travail collectif<sup>[[#178]]</sup> entre plusieurs exégètes et écrivains francophones, une cinquantaine, de part et d'autre de l'Atlantique'', afin de retrouver l''a légèreté d'une langue écrite et parlée dans un monde en devenir''. L'originalité repose donc sur la constitution de binômes composés d'un exégète et d'un écrivain. Le résultat est quelquefois décapant.
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La Bible des Peuples, parue en 1998, traduite à partir des textes originaux hébreux et grecs, est une traduction assez littérale, présentée et commentée pour les communautés chrétiennes et pour ceux qui cherchent Dieu par Bernard et Louis Hurault . Elle vise à rendre le texte plus percutant et actuel. C'est une réédition de la Bible des Communautés chrétiennes.
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1 1 Hélas !
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Elle reste seule,
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la ville au peuple nombreux,
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:'''Aleph'''. ''Comment !''
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elle est resté comme une veuve,
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:''Elle habite en solitude, la ville remplie de peuple ?''
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la grande parmi les nations ;
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:''Elle est comme une veuve :''
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jadis reine parmi les provinces,
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:''Grande parmi les nations, princesse parmi les provinces,''
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elle est soumise à la corvée. 2 Elle a pleuré toute la nuit
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:''La voilà livrée à mépris.''
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et les larmes couvrent ses joues.
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Parmi tous ses amants,
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:'''Beth'''. ''A pleurer : elle pleure dans la nuit''
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pas un ne la console.
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:''Et ses pleurs sont sur ses joues''.
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Tous ses amis l'ont trahie,
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:''Pour elle, pas de consolateur, parmi ceux qui l'aiment,''
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sont devenus des ennemis.
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:''Tous ses proches l'ont trahie,''
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:''Devenus pour elle ennemis.''
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En 2000, paraît la Bible Parole de vie qui connaîtra plusieurs éditions . Le texte qui est le résultat d'une traduction en "français fondamental", le vocabulaire étant volontairement restreint à 3 000 mots, en est le suivant :
 
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1 1 Hélas ! la voici abandonnée,
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La ''Nouvelle Bible Segond'' (NBS)<sup>[[#179]]</sup>, bible protestante, qui paraît en 2002, ne présente pas de différences avec la version précédente de 1874 tout au moins en ce qui concerne les textes étudiés dans le présent chapitre.
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cette ville autrefois si peuplée !
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Elle est comme une veuve,
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celle qui était si célèbre
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parmi tous les peuples.
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La voilà esclave,
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celle qui était une reine
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parmi les provinces ! 2 Elle passe ses nuits à pleurer,
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et ses joues sont couvertes de larmes.
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Parmi ceux qui l'aimaient,
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personne ne la console.
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Tous ses amis l'ont trahie,
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ils sont maintenant ses ennemis.
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En 2000, paraît également une traduction du texte de Eikha par le Rav Yehoshua Ra'hamim Dufour .
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La ''Bible d'Alexandrie LXX'', traduction du grec de la Septante préparée dans le cadre du Centre Lenain de Tillemont de l'université Paris-Sorbonne, unité associée au CNRS, comprend dans le volume 25.2, paru en 2005 aux Editions du Cerf à Paris, les livres de ''Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie''<sup>[[#180]]</sup>. L'introduction et les notes figurant en tête du livre des Lamentations ont été préparées par Isabelle Assan-Dhôte et Jacqueline Moatti-Fine<sup>[[#181]]</sup>.
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1 Hélas! Comme elle est assise solitaire,  
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la ville si peuplée autrefois,
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|<span style="color:#800000;">'''Alph ''' « ''Comme elle s'est assise solitaire, la cité qui s'était multipliée en peuples! Elle est devenue comme une veuve, elle le qui s'était multipliée parmi les nations, princesse parmi les provinces, elle est devenue tributaire'' ! Tout au long de la nuit, elle pleure, et ses larmes ruissellent sur ses joues.
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et maintenant comme une veuve !
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Immense parmi les nations,  
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|<span style="color:#800000;">'''Beth''' ''Elle a pleuré, pleuré dans la nuit, et ses larmes sur ses joues, et il n'y a personne qui la console, parmi tous ceux qui l'aimaient ; tous ceux qui la chérissaient l'ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis.''
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princesse parmi les Etats,  
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elle est réduite à payer tribut ! 2 Elle pleure sans cesse la nuit,  
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et ses larmes couvrent ses joues.  
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Elle n'a pas de consolateur
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parmi tous ceux qui l'aimaient.
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Tous ses amis l'ont trahie  
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et sont devenus ses ennemis.
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La littérature française entretient ainsi avec la Bible une relation paradoxale et plus riche que les autres littératures européennes mais, comme le dit Paul Claudel en 1936, malheureusement les Bibles de langue française ne nous donnent que des transcriptions pauvres et plates, sans résonance et sans poésie. Il est vrai que les traducteurs français n'associaient jamais d'écrivains contemporains. Trop souvent les traductions de la Bible en français sont issues d'une pensée de la langue, des langues, ou d'une pensée de l'histoire et de l'archéologie des textes, rarement, voire jamais, d'une pensée de la littérature, est-il dit dans la partie introductive de la Bible. C'est chose faite avec la Bible [des écrivains] depuis 2001 avec le travail collectif  entre plusieurs exégètes et écrivains francophones, une cinquantaine, de part et d'autre de l'Atlantique, afin de retrouver la légèreté d'une langue écrite et parlée dans un monde en devenir. L'originalité repose donc sur la constitution de binômes composés d'un exégète et d'un écrivain. Le résultat est quelquefois décapant.
 
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Aleph. Comment !
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La ''Nouvelle King James Française''<sup>[[#182]]</sup> de 2006 présente une version classique du texte des Lamentations :
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Elle habite en solitude, la ville remplie de peuple ?
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Elle est comme une veuve :
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Grande parmi les nations, princesse parmi les provinces,
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La voilà livrée à mépris.
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Beth. A pleurer : elle pleure dans la nuit
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Et ses pleurs sont sur ses joues.
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Pour elle, pas de consolateur, parmi ceux qui l'aiment,
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Tous ses proches l'ont trahie,
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Devenus pour elle ennemis.
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La Nouvelle Bible Segond (NBS) , bible protestante, qui paraît en 2002, ne présente pas de différences avec la version précédente de 1874 tout au moins en ce qui concerne les textes étudiés dans le présent chapitre.
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{| align="center" border="0" cellspacing="20" style="background-color:#FCFFE5"
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La Bible d'Alexandrie LXX, traduction du grec de la Septante préparée dans le cadre du Centre Lenain de Tillemont de l'université Paris-Sorbonne, unité associée au CNRS, comprend dans le volume 25.2, paru en 2005 aux Editions du Cerf à Paris, les livres de Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie . L'introduction et les notes figurant en tête du livre des Lamentations ont été préparées par Isabelle Assan-Dhôte et Jacqueline Moatti-Fine .
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:''Comment est assise solitaire,'' la ville ''qui était si peuplée!''
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:Comment ''est-elle devenue comme une veuve!''
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:''Celle'' qui ''était grande parmi les nations,'' et ''princesse parmi les provinces,''
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:comment ''est-elle devenue tributaire!''
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:''Elle pleure beaucoup durant la nuit, et ses larmes ''sont'' sur ses joues;''
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:''parmi tous ses amants, elle n'en a aucun pour ''la'' consoler;''
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:''tous ses amis ont agi perfidement avec elle,''
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:''ils sont devenus ses ennemis.''
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Alph  « Comme elle s'est assise solitaire, la cité qui s'était multipliée en peuples! Elle est devenue comme une veuve, elle le qui s'était multipliée parmi les nations, princesse parmi les provinces, elle est devenue tributaire !Tout au long de la nuit, elle pleure, et ses larmes ruissellent sur ses joues.
 
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Beth Elle a pleuré, pleuré dans la nuit, et ses larmes sur ses joues, et il n'y a personne qui la console, parmi tous ceux qui l'aimaient ; tous ceux qui la chérissaient l'ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis.
 
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La Nouvelle King James Française  de 2006 présente une version classique du texte des Lamentations :
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Dans l'essai biographie du prophète, ''Jérémie le prophète, l'homme en son temps''<sup>[[#183]]</sup>¸ figurent les ''Complaintes sur la destruction de Jérusalem''<sup>[[#184]]</sup>. Ces textes, écrits par Eric Dereeper, abordent dans leur contexte historique les textes des Livres bibliques.
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Comment est assise solitaire, la ville qui était si peuplée!
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Comment est-elle devenue comme une veuve!
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|<span style="color:#FF0000;">'''1'''</span> <span style="color:#800000;">''Hélas ! Elle est assise solitaire, cette ville si grande ! Elle est devenue comme une veuve ! Elle, si grande parmi les nations, princesse sur les provinces, elle est astreinte à la corvée !''
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Celle qui était grande parmi les nations, et princesse parmi les provinces,
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comment est-elle devenue tributaire!
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|<span style="color:#FF0000;">'''2'''</span> <span style="color:#800000;">''Elle passe la nuit à pleurer, ses joues ruissellent de larmes. De tous ceux qui l'aimaient, personne ne la console ; tous ses amis l'ont trahie, ils sont devenus ses ennemis.''
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Elle pleure beaucoup durant la nuit, et ses larmes sont sur ses joues;
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parmi tous ses amants, elle n'en a aucun pour la consoler;
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tous ses amis ont agi perfidement avec elle,
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ils sont devenus ses ennemis.
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Dans l'essai biographie du prophète, Jérémie le prophète, l'homme en son temps ¸ figurent les Complaintes sur la destruction de Jérusalem . Ces textes, écrits par Eric Dereeper, abordent dans leur contexte historique les textes des Livres bibliques.
 
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1 Hélas ! Elle est assise solitaire, cette ville si grande ! Elle est devenue comme une veuve ! Elle, si grande parmi les nations, princesse sur les provinces, elle est astreinte à la corvée !
 
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2 Elle passe la nuit à pleurer, ses joues ruissellent de larmes. De tous ceux qui l'aimaient, personne ne la console ; tous ses amis l'ont trahie, ils sont devenus ses ennemis.
 
Il faut prendre conscience que ces quelques pages ne traduisent qu'une brève évolution des textes bibliques des Lamentations de Jérémie. Ce chapitre n'a pas la prétention de décrire l'histoire de la bible.
Il faut prendre conscience que ces quelques pages ne traduisent qu'une brève évolution des textes bibliques des Lamentations de Jérémie. Ce chapitre n'a pas la prétention de décrire l'histoire de la bible.
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Bien entendu, les Lamentations de Jérémie ont été reprises dans différentes langues régionales françaises. C'est l'exemple même du jersiais, langue minoritaire de Jersey, qui vient des langues d'oil, du normand, du guernesiais, du picard, du gallo et du ouallon. Et si cette langue est intéressante à plus d'un titre, c'est qu'elle est encore parlée au XXe siècle jusqu'au bord de la Loire.
 
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Les deux premiers versets, écrits en jersiais par le poète Geraint Jennings en juin 2000 , se présentent comme suit :
 
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La ville est veuve - la grise campangne mouothit.
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Bien entendu, les ''Lamentations de Jérémie'' ont été reprises dans différentes langues régionales françaises. C'est l'exemple même du jersiais, langue minoritaire de Jersey, qui vient des langues d'oil, du normand, du guernesiais, du picard, du gallo et du ouallon. Et si cette langue est intéressante à plus d'un titre, c'est qu'elle est encore parlée au XXe siècle jusqu'au bord de la Loire.
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Les nièrs c'mîns vithent coumme des ribans dé deu
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Copant les bouais'sies d'if, dé tchêne, d'louothi,
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Les deux premiers versets, écrits en jersiais par le poète Geraint Jennings en juin 2000<sup>[[#185]]</sup>, se présentent comme suit :
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D'bouôlias et d'fau. Prannons d'la fouaille pouor l'feu,
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Satchant lé tondre. La tendresse dé nos tchoeurs
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Alleunm'tha les rouoges veues d'touos nos carrefours.
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Lé brit dû du trafi sonn'na nos plieurs.
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:''La ville est veuve - la grise campangne mouothit''.
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Nos lèrmes sont à laver hors nos amours.
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:''Les nièrs c'mîns vithent coumme des ribans dé deu''
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:''Copant les bouais'sies d'if, dé tchêne, d'louothi,''
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:''D'bouôlias et d'fau. Prannons d'la fouaille pouor l'feu,''
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:''Satchant lé tondre. La tendresse dé nos tchoeurs''
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:''Alleunm'tha les rouoges veues d'touos nos carrefours.''
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:''Lé brit dû du trafi sonn'na nos plieurs.''
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:''Nos lèrmes sont à laver hors nos amours.''
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Ces lamentations n'ont pas été mises en musique !
Ces lamentations n'ont pas été mises en musique !
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Chaque Leçon des Ténèbres se termine sur le texte latin, Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominum Deum tuum, tiré du Livre du prophète Osée (14,2).
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Du Jerusalem, Jerusalem convertissez-vous au Seigneur vostre Dieu du XVIIIe au Allez reviens Israël jusqu'à Yhwh ton Dieu. Tu es tombé, c'est de ta faute du XXe, en passant par Reviens pécheur à ton Dieu qui t'appelle   du XIXe, ce texte revient comme une ritournelle destinée à inciter à la conversion des âmes comme le rappelait récemment Paul VI dans son homélie de canonisation des martyrs d'Ouganda du XIXe siècle lorsque Charles Lwanga protégea les pages des avances homosexuelles du roi du Baganda, Mwanga . Parlant de ce crime, Paul VI recourt à Jérémie car combien ne reconnaîtraient pas la même confusion, le chaos culturel, l'idolâtrie, la licence, l'injustice des jours de Jérémie dans le milieu dans lequel tout prêtre, aujourd'hui en 1996, doit vivre, se déplacer, avoir son existence ? Combien, à un moment ou à un autre, ne pourraient pas faire l'écho au sentiment d'abandon complet de Jérémie, ou de solitude existentielle ? Combien n'a jamais souffert de cette frustration de Jérémie, celle de prêcher à des sourds ?  
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Chaque Leçon des Ténèbres se termine sur le texte latin, ''Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominum Deum tuum'', tiré du Livre du prophète Osée (14,2).
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La réforme du Concile du Vatican de 1962 a pratiquement supprimé les Lamentations de Jérémie à l'exception d'une partie de l'Oratio (versets 5:1 à 5:7 et 5:15 à 5:21) maintenue à la Prière matinale du Samedi Saint.
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Du ''Jerusalem, Jerusalem convertissez-vous au Seigneur vostre Dieu'' du XVIII<sup>e</sup> au ''Allez reviens Israël jusqu'à Yhwh ton Dieu. Tu es tombé, c'est de ta faute'' du XX<sup>e</sup>, en passant par ''Reviens pécheur à ton Dieu qui t'appelle''<sup>[[#186]]</sup> du XIX<sup>e</sup>, ce texte revient comme une ritournelle destinée à inciter à la conversion des âmes comme le rappelait récemment Paul VI dans son homélie de canonisation des martyrs d'Ouganda du XIX<sup>e</sup> siècle lorsque Charles Lwanga protégea les pages des avances homosexuelles du roi du Baganda, Mwanga<sup>[[#187]]</sup>. Parlant de ce crime, Paul VI recourt à Jérémie car ''combien ne reconnaîtraient pas la même confusion, le chaos culturel, l'idolâtrie, la licence, l'injustice des jours de Jérémie dans le milieu dans lequel tout prêtre, aujourd'hui en 1996, doit vivre, se déplacer, avoir son existence ? Combien, à un moment ou à un autre, ne pourraient pas faire l'écho au sentiment d'abandon complet de Jérémie, ou de solitude existentielle ? Combien n'a jamais souffert de cette frustration de Jérémie, celle de prêcher à des sourds ?''<sup>[[#188]]</sup>
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La ''réforme'' du Concile du Vatican de 1962 a pratiquement supprimé les Lamentations de Jérémie à l'exception d'une partie de ''l'Oratio'' (versets 5:1 à 5:7 et 5:15 à 5:21) maintenue à la Prière matinale du Samedi Saint.
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[[L'évolution du texte biblique français depuis son origine - Introduction|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
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:<span id="176"><small>'''176'''. ''Société biblique française, Villiers-le-Bel, 2005, [[Abréviations|F-Pn]], 2005- 315427, pp. 993 et s.''</small></span>
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:<span id="177"><small>'''177'''. ''http://www.modia.org/priere/eikha.html ''</small></span>
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:<span id="178"><small>'''178'''. ''La Bible, Nouvelle traduction. Paris, Montréal. Bayard, Médiaspaul. 2001, pp. 1669 et s., traduction par François Bon et Jean-Pierre Prévost.''</small></span>
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:<span id="179"><small>'''179'''. ''Ed. Vida, Nîmes, 2002, [[Abréviations|F-Pn]], 2002-127444, pp. 725 et s.''</small></span>
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:<span id="180"><small>'''180'''. ''La traduction grecque ayant été réalisée entre 150 et 250 avant notre ère présente un texte plus ancien que le manuscrit hébraïque qui sert habituellement aux autres traduction.''</small></span>
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:<span id="181"><small>'''181'''. ''Les notes, fort longues, n'ont pas été reprises.''</small></span>
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:<span id="182"><small>'''182'''. ''http://concordance.keo.in/king_james_francaise/index.html ''</small></span>
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:<span id="183"><small>'''183'''. ''Jérémie et Les lamentations de Jérémie, Eric Dereeper, 313 p., Ouvrage non édité, Paris, 2005.''</small></span>
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:<span id="184"><small>'''184'''. ''http://users.skynet.be/evangile/Prop/Lmnt/Lmnt.htm ''</small></span>
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:<span id="185"><small>'''185'''. ''http://www.societe-jersiaise.org/geraint/jerriais/lament.html''</small></span>
 +
:<span id="186"><small>'''186'''. ''Etienne-Nicolas Méhul.''</small></span>
 +
:<span id="187"><small>'''187'''. ''En 1885, Mwanga ordonne l’exécution de l’évêque anglican Hannington et de 50 chrétiens, tant catholiques (dont les fameux "23 saints martyrs de l’Ouganda") que protestants : ils sont brûlés vifs.''</small></span>
 +
:<span id="188"><small>'''188'''. ''Cardinal John O'Connor, Archevêque de New York (http://www.vatican.va). ''</small></span>

Version actuelle en date du 28 juin 2010 à 14:02

En 2000, paraît la Bible Parole de vie qui connaîtra plusieurs éditions#176. Le texte qui est le résultat d'une traduction en "français fondamental", le vocabulaire étant volontairement restreint à 3 000 mots, en est le suivant :

1 1Hélas ! la voici abandonnée,
cette ville autrefois si peuplée !
Elle est comme une veuve,
celle qui était si célèbre
parmi tous les peuples.
La voilà esclave,
celle qui était une reine
parmi les provinces !
2Elle passe ses nuits à pleurer,
et ses joues sont couvertes de larmes.
Parmi ceux qui l'aimaient,
personne ne la console.
Tous ses amis l'ont trahie,
ils sont maintenant ses ennemis.


En 2000, paraît également une traduction du texte de Eikha par le Rav Yehoshua Ra'hamim Dufour#177.

1 Hélas! Comme elle est assise solitaire,
la ville si peuplée autrefois,
et maintenant comme une veuve !
Immense parmi les nations,
princesse parmi les Etats,
elle est réduite à payer tribut !
2 Elle pleure sans cesse la nuit,
et ses larmes couvrent ses joues.
Elle n'a pas de consolateur
parmi tous ceux qui l'aimaient.
Tous ses amis l'ont trahie
et sont devenus ses ennemis.


La littérature française entretient ainsi avec la Bible une relation paradoxale et plus riche que les autres littératures européennes mais, comme le dit Paul Claudel en 1936, malheureusement les Bibles de langue française ne nous donnent que des transcriptions pauvres et plates, sans résonance et sans poésie. Il est vrai que les traducteurs français n'associaient jamais d'écrivains contemporains. Trop souvent les traductions de la Bible en français sont issues d'une pensée de la langue, des langues, ou d'une pensée de l'histoire et de l'archéologie des textes, rarement, voire jamais, d'une pensée de la littérature, est-il dit dans la partie introductive de la Bible. C'est chose faite avec la Bible [des écrivains] depuis 2001 avec le travail collectif#178 entre plusieurs exégètes et écrivains francophones, une cinquantaine, de part et d'autre de l'Atlantique, afin de retrouver la légèreté d'une langue écrite et parlée dans un monde en devenir. L'originalité repose donc sur la constitution de binômes composés d'un exégète et d'un écrivain. Le résultat est quelquefois décapant.

Aleph. Comment !
Elle habite en solitude, la ville remplie de peuple ?
Elle est comme une veuve :
Grande parmi les nations, princesse parmi les provinces,
La voilà livrée à mépris.
Beth. A pleurer : elle pleure dans la nuit
Et ses pleurs sont sur ses joues.
Pour elle, pas de consolateur, parmi ceux qui l'aiment,
Tous ses proches l'ont trahie,
Devenus pour elle ennemis.


La Nouvelle Bible Segond (NBS)#179, bible protestante, qui paraît en 2002, ne présente pas de différences avec la version précédente de 1874 tout au moins en ce qui concerne les textes étudiés dans le présent chapitre.

La Bible d'Alexandrie LXX, traduction du grec de la Septante préparée dans le cadre du Centre Lenain de Tillemont de l'université Paris-Sorbonne, unité associée au CNRS, comprend dans le volume 25.2, paru en 2005 aux Editions du Cerf à Paris, les livres de Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie#180. L'introduction et les notes figurant en tête du livre des Lamentations ont été préparées par Isabelle Assan-Dhôte et Jacqueline Moatti-Fine#181.

Alph « Comme elle s'est assise solitaire, la cité qui s'était multipliée en peuples! Elle est devenue comme une veuve, elle le qui s'était multipliée parmi les nations, princesse parmi les provinces, elle est devenue tributaire ! Tout au long de la nuit, elle pleure, et ses larmes ruissellent sur ses joues.
Beth Elle a pleuré, pleuré dans la nuit, et ses larmes sur ses joues, et il n'y a personne qui la console, parmi tous ceux qui l'aimaient ; tous ceux qui la chérissaient l'ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis.


La Nouvelle King James Française#182 de 2006 présente une version classique du texte des Lamentations :

Comment est assise solitaire, la ville qui était si peuplée!
Comment est-elle devenue comme une veuve!
Celle qui était grande parmi les nations, et princesse parmi les provinces,
comment est-elle devenue tributaire!
Elle pleure beaucoup durant la nuit, et ses larmes sont sur ses joues;
parmi tous ses amants, elle n'en a aucun pour la consoler;
tous ses amis ont agi perfidement avec elle,
ils sont devenus ses ennemis.


Dans l'essai biographie du prophète, Jérémie le prophète, l'homme en son temps#183¸ figurent les Complaintes sur la destruction de Jérusalem#184. Ces textes, écrits par Eric Dereeper, abordent dans leur contexte historique les textes des Livres bibliques.

1 Hélas ! Elle est assise solitaire, cette ville si grande ! Elle est devenue comme une veuve ! Elle, si grande parmi les nations, princesse sur les provinces, elle est astreinte à la corvée !
2 Elle passe la nuit à pleurer, ses joues ruissellent de larmes. De tous ceux qui l'aimaient, personne ne la console ; tous ses amis l'ont trahie, ils sont devenus ses ennemis.


Il faut prendre conscience que ces quelques pages ne traduisent qu'une brève évolution des textes bibliques des Lamentations de Jérémie. Ce chapitre n'a pas la prétention de décrire l'histoire de la bible.

Bien entendu, les Lamentations de Jérémie ont été reprises dans différentes langues régionales françaises. C'est l'exemple même du jersiais, langue minoritaire de Jersey, qui vient des langues d'oil, du normand, du guernesiais, du picard, du gallo et du ouallon. Et si cette langue est intéressante à plus d'un titre, c'est qu'elle est encore parlée au XXe siècle jusqu'au bord de la Loire.

Les deux premiers versets, écrits en jersiais par le poète Geraint Jennings en juin 2000#185, se présentent comme suit :

La ville est veuve - la grise campangne mouothit.
Les nièrs c'mîns vithent coumme des ribans dé deu
Copant les bouais'sies d'if, dé tchêne, d'louothi,
D'bouôlias et d'fau. Prannons d'la fouaille pouor l'feu,
Satchant lé tondre. La tendresse dé nos tchoeurs
Alleunm'tha les rouoges veues d'touos nos carrefours.
Lé brit dû du trafi sonn'na nos plieurs.
Nos lèrmes sont à laver hors nos amours.


Ces lamentations n'ont pas été mises en musique !

Chaque Leçon des Ténèbres se termine sur le texte latin, Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominum Deum tuum, tiré du Livre du prophète Osée (14,2).

Du Jerusalem, Jerusalem convertissez-vous au Seigneur vostre Dieu du XVIIIe au Allez reviens Israël jusqu'à Yhwh ton Dieu. Tu es tombé, c'est de ta faute du XXe, en passant par Reviens pécheur à ton Dieu qui t'appelle#186 du XIXe, ce texte revient comme une ritournelle destinée à inciter à la conversion des âmes comme le rappelait récemment Paul VI dans son homélie de canonisation des martyrs d'Ouganda du XIXe siècle lorsque Charles Lwanga protégea les pages des avances homosexuelles du roi du Baganda, Mwanga#187. Parlant de ce crime, Paul VI recourt à Jérémie car combien ne reconnaîtraient pas la même confusion, le chaos culturel, l'idolâtrie, la licence, l'injustice des jours de Jérémie dans le milieu dans lequel tout prêtre, aujourd'hui en 1996, doit vivre, se déplacer, avoir son existence ? Combien, à un moment ou à un autre, ne pourraient pas faire l'écho au sentiment d'abandon complet de Jérémie, ou de solitude existentielle ? Combien n'a jamais souffert de cette frustration de Jérémie, celle de prêcher à des sourds ?#188

La réforme du Concile du Vatican de 1962 a pratiquement supprimé les Lamentations de Jérémie à l'exception d'une partie de l'Oratio (versets 5:1 à 5:7 et 5:15 à 5:21) maintenue à la Prière matinale du Samedi Saint.


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176. Société biblique française, Villiers-le-Bel, 2005, F-Pn, 2005- 315427, pp. 993 et s.
177. http://www.modia.org/priere/eikha.html
178. La Bible, Nouvelle traduction. Paris, Montréal. Bayard, Médiaspaul. 2001, pp. 1669 et s., traduction par François Bon et Jean-Pierre Prévost.
179. Ed. Vida, Nîmes, 2002, F-Pn, 2002-127444, pp. 725 et s.
180. La traduction grecque ayant été réalisée entre 150 et 250 avant notre ère présente un texte plus ancien que le manuscrit hébraïque qui sert habituellement aux autres traduction.
181. Les notes, fort longues, n'ont pas été reprises.
182. http://concordance.keo.in/king_james_francaise/index.html
183. Jérémie et Les lamentations de Jérémie, Eric Dereeper, 313 p., Ouvrage non édité, Paris, 2005.
184. http://users.skynet.be/evangile/Prop/Lmnt/Lmnt.htm
185. http://www.societe-jersiaise.org/geraint/jerriais/lament.html
186. Etienne-Nicolas Méhul.
187. En 1885, Mwanga ordonne l’exécution de l’évêque anglican Hannington et de 50 chrétiens, tant catholiques (dont les fameux "23 saints martyrs de l’Ouganda") que protestants : ils sont brûlés vifs.
188. Cardinal John O'Connor, Archevêque de New York (http://www.vatican.va).

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