Courte histoire des Lamentations

De Lamentations de Jérémie.

COURTE HISTOIRE DES LAMENTATIONS DE JÉRÉMIE

L'Office des Ténèbres se place au cours des trois jours de la Semaine Sainte dont on ne parle que des souffrances de Jésus-Christ. Pour illustrer cette période de trois jours, le triduum sacrum, l'Église a choisi entre les Psaumes ceux qui prédisent les circonstances de la Passion du Christ. Dans le même esprit, elle a emprunté au prophète Jérémie les lectures ou leçons des trois premières nocturnes de chaque jour de ce triduum sacrum. La désolation de Jérusalem, si vivement dépeinte, par le Prophète, est une image bien vraie de l'état affreux auquel le péché nous avait réduits.

Le livre des Lamentations de Jérémie est classé dans le canon juif parmi les Écrits avec pour nom Eykab ou Qînôt qui signifie Comment ! C'est le quatrième des Cinq Rouleaux (Megilloth). Dans la Septante ou la Vulgate, version utilisée par les catholiques, ces Lamentations figurent après le livre de Jérémie parce que, depuis longtemps, on les attribue à ce prophète. Ce livre est une qina, genre littéraire habituellement rendu par le terme élégie. C'est un mégilat qinot, le rouleau des élégies.

Eikha, ou le rouleau des Lamentations, est l'expression d'un profond chagrin concernant la destruction à deux reprises du Temple de Jérusalem : 586 avant Jésus-Christ et 68 après Jésus-Christ. Jérémie rappelle les conséquences inévitables de la désobéissance que toutes les occurrences plaintives décrivent avec force et conviction, avec 154 versets qui ne se répètent pas une seule fois. Moïse l'avait prédit : Yahvé prendra autant de jouissance à votre perte et à votre destruction qu'il en avait trouvé à faire votre bonheur et à vous multiplier ! (Deutéronome 28:63).

Le non-croyant peut voir dans l'effondrement des nations, au travers de ce livre biblique, le résultat de l'aveuglement humain. Selon Jérémie et beaucoup de compositeurs, encore de nos jours, la chute d'une nation provient de sa surdité à l'égard du message de Dieu. C'est un sujet qui mérite de rester à l'esprit de tout individu. C'est sans doute une des raisons pour laquelle les compositeurs contemporains écrivent encore sur ces textes.

Jérémie (627 BC – 587BC) est un prophète originaire d'Anatoth, le 2ème des Grands Prophètes avec Isaïe et Ézéchiel. Toute sa vie durant, il lutte contre le formalisme du culte et fustige les prêtres, les faux prophètes et les rois Josias, Joachim et Sédécias dont il rend responsables des malheurs d'Israël. Il vivait à une époque où les gens oubliaient Dieu, et c'est pour cela qu'il suppliait Dieu de ne pas les oublier. C'est lui qui annonce la destruction de Jérusalem. Il dira plus tard qu'il était né pour la malédiction. Il termine sa vie en Égypte.

Jérémie, persécuté plus que tout autre, est considéré par la tradition chrétienne comme le prophète de la Passion du Christ. C'est une des raisons pour laquelle la lecture de ses Lamentations a été introduite au cours de la semaine qui précède la fête de Pâques pour traduire plus intensément le drame du Calvaire.


Jérémie, auteur des Lamentations !

L'Analyse des textes laisse subsister un doute sur leur homogénéité d'écriture (il y aurait peut-être plusieurs auteurs) et sur leur date de rédaction (plusieurs textes seraient sans doute antérieurs à 587).

Sans rentrer dans de grandes considérations auxquelles Gilbert Brunet s'est adonné, rappelons tout simplement que cette analyse fait ressortir une idée de grandeur détruite et non de sanctuaire détruit. Attaché au roi Sédécias et à la Jérusalem officielle, l'auteur de ces lamentations serait donc un nationaliste, qui avait confiance en Dieu et qui tombe de haut. Ce ne peut être Jérémie, protégé par les envahisseurs chaldéens, qui prédisait au contraire la chute de Jérusalem.

Ainsi, comme le dit Gilbert Brunet, l'auteur : 1. est nationaliste ; 2. ne prévoyait pas la défaite ; 3. n'a pas été du parti pro-chaldéen, et a probablement été mis en prison sous le règne de ce parti ; 4. est fidèle à la mémoire de Sédécias ; 5. a le respect des hiérarchies traditionnelles et est pour l'ordre ancien ; 6. est sympathique à l'élément militaire et était pour la résistance ; 7. est ardemment yahviste ; 8. se reconnaît du parti responsable ; 9. est un minoritaire.

Ce portrait ne correspond pas tout à fait à celui de Jérémie. Le poète, qui aurait composé ces Lamentations, serait du camp opposé à celui de Jérémie. Il s'agirait d'un prêtre ou d'un grand prêtre. L'hypothèse du grand prêtre Serayah, homme de grande culture poétique, sera même soulevée puisqu'il était contre Jérémie.

Par recoupement avec la connaissance historique des faits, il semble que ces Lamentations auraient été écrites entre le 9 de Tamouz et le 7 d'Av, c'est-à-dire entre l'arrivée et l'occupation de Jérusalem par les Chaldéens et celle de Nebouzaradan qui détruisit le Temple, les maisons des notables, et les remparts, et déporta tout le peuple. Les quatre premiers chapitres auraient donc été écrits en moins de 28 jours. Jérusalem est alors une ville occupée, affamée et occupée. C'est ce qui explique le ton pris tout au long des versets.

Il ressortirait également de cette analyse que l'ordre initial des Lamentations aurait été modifié : chronologiquement, il serait dans la suite suivante IV, I, II, III. Quelques versets ont même, semble-t-il, subi des altérations, du reste mineures, par rapport à l'ensemble de l'œuvre. Quant à la Lamentation V, elle serait d'une époque postérieure, rédigée au moment de l'exil, et d'un auteur différent.

Alors, pourquoi avoir attribué ce livre biblique à Jérémie ? Gilbert Brunet pense qu'il fut attribué à Jérémie par l'instinct d'un peuple vaincu, détestant son passé récent, et qui avait besoin, pour refaire son unité, de se forger une légende. Cet écrit, d'un adversaire de Jérémie, est curieusement passé entre les mains d'un antagoniste. Curieux rapt littéraire !

Ce prophète reste néanmoins pour la postérité le témoin d'une religion du cœur qui repose sur les relations entre le croyant et son Dieu. Ses prières qui ne sont pas des jérémiades révèlent qu'au sein même des pires souffrances le fidèle peut rester en communion avec le Dieu de son peuple.

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