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De Lamentations de Jérémie.
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Le maître des enfants
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Initialement, la charge des enfants incombaient au maître de grammaire (''magister puerorum, instructor, gubernator, administrator puerorum'') mais au XV<sup>e</sup> siècle, la direction a été attribuée progressivement et presque naturellement au maître de musique qui assurait également le rôle de Maître de pension . Le maître ''sera nori, couché, blanchi de linge de lict et de table ; boira demy-setier de vin gascon ou anjou à desjuner, chopine à disner et aultant à soupper… Il doit enseigner aux enfants le contre point et leur apprendre à chanter sur le livre'' . Par un contrat (pris à titre d'exemple sans préjugé des autres qui peuvent être très disparates) passé en 1742 entre le Chapitre et le Sr Julien, maître de musique, ce dernier ''s'engage et s'oblige d'apprendre aux Enfants la Musique, la Composition, à Joüer des Instruments, les Cerimonies de l'Eglise, Et de Leur faire preuoir Ce qu'ils doiuent faire et Chanter, leur donnant au moins deux heures de Leçons par Jour, Luy present'' . Le canon I du concile de Bourges de 1584, groupe en une seule phrase toutes ces exigences à propos des maîtres : il faut que leur maître ou précepteur soit remarquable et exemplaire dans sa vie et dans sa foi ; qu'il ait déjà embrassé les ordres ou du moins qu'il soit ordonné dans l'année ; qu'il soit maître de ses réactions, qu'il ne soit pas violent ; qu'il ne donne pas de coups ; qu'il n'ait pas de concubine et qu'il ne puisse pas être un sujet de scandale pour la jeunesse ; il ne doit point être trop indulgent envers les enfants, ni sévère cependant au point de les détourner du pain bénit ; qu'il ne se serve pas des travaux des enfants à son profit ; qu'il soit bien versé dans l'art musical et les rites de l'Eglise ; qu'il les enseigne de son mieux ; qu'il ne néglige pas la demeure ni la famille des enfants." Il était difficile d'en trouver un convenable en France ! Ce qui ne semble pas avoir été le cas dans les autres pays européens. En effet, aux qualités musicales, il fallait allier celles de professeur pour les enfants d'aube, de chantre et d'officiant pour les cérémonies religieuses (variable d'un diocèse à l'autre) mais également celles de "tuteur" des enfants en se substituant à leurs parents pour tous les aspects domestiques et éducatifs. Les registres capitulaires sont un parfait témoin (négatif) de cet état de fait en conservant dans leurs précieuses pages l'état des manquements et des sanctions affligés aux maîtres des enfants et aux enfants eux-mêmes. "''Les musiciens d'église voyagèrent beaucoup dans tous les temps : chantres ou maîtres de musique partaient à cheval quelquefois, à pied le plus souvent, & allaient de ville, en ville, de cathédrale en cathédrale, recevant ici l'hospitalité d'un confrère, d'un curé ou d'un chanoine, couchant là à la belle étoile & faisant de plus ou moins longs séjours dans les chapitres où ils réussissaient à trouver de l'emploi. Cela s'appelait vicarier . Le changement de maîtrise était considéré comme un moyen d'acquérir du talent, en ce sens que le vicariant, mis à même de juger des différentes manières de chanter & d'exécuter la musique dans toutes les paroisses qu'il visitait, y gagnait au moins quelque expérience". "Jamais, dit notre auteur, un musicien ne fut estimé, s'il n'a un peu voyagé''." L'histoire des maîtrises des cathédrales, dont on trouve beaucoup d'ouvrages à partir du XIX<sup>e</sup> siècle, révèle en tout cas qu'en France, les maîtres de chapelle n'aiment pas rester trop longtemps à la même place. D'un chapitre à l'autre, ils recherchent soit à avoir une plus connaissance de la matière musicale en se confrontant avec d'autres confrères, soit à rejoindre Paris pour obtenir la gloire. Ceci est très visible à la lecture des ouvrages historiques consacrés aux maîtrises françaises, mais ce phénomène ne se retrouve pas, à quelques exceptions près, dans les autres pays latins. On a quelques traces de concours pour doter les enfants de chœur d'un maître, procédure alors très courante en Espagne par exemple. Si en France, c'était le Chapitre qui sélectionnait et recrutait le maître de musique, il en était tout autrement en Espagne, le Chapitre s'effaçant derrière un jury généralement composé de maîtres des diocèses limitrophes ou réputés. Ce qui ressort également des registres capitulaires, c'est que le recrutement était toujours délicat, les recherches nombreuses et souvent aboutissaient à prendre le moins mauvais des candidats qui se sont présentés ou qui sont recommandés (voire le Chapitre s'en privait). L'abbé Prévost témoigne de cet état de fait : c'est au XV<sup>e</sup> siècle que ''Frégnault fut examiné ; il offrit de composer un tel lieu qu'on voudrait et de faire chanter un motet de sa composition. On décida que cette épreuve aurait lieu après dîner chez le chanoine Prieux ; le candidat dut aussi composer un autre motet sur un sujet indiqué, et qui serait exécuté par les experts du chapitre, parmi lesquels le maître des enfants de Saint-Etienne. Le 30 décembre, il subit l'épreuve ; il composa promptement deux motets ; mais on les trouva médiocres. Fort heureusement, il avait les autres qualités requises pour ses fonctions. Il fut donc agréé, à condition de n'avoir point de suite avec lui qui pût donner mauvais exemple, comme il était arrivé à son prédécesseur'' . Le 2 avril 1682, ''on prie les trésoriers, chambrier et intendants de la fabrique, de faire chanter M. Roussel, qui se présente comme maître de musique, afin d'examiner sa voix''. – Le 6 avril suivant, on remercie ''M. Roussel de ses peines'', étant incapable . S'il est accepté, il prête alors le serment qui énumère également ses devoirs. Il a droit à l'habit de chanoine et à une prébende, mais dans les stalles il se tient au dernier rang. Le maître de musique assurait la relation entre le chapitre (''personnage invisible'' ) et les enfants de chœur. Ce rôle devait être délicat car ''avec les Chappitres il n'y a rien à gaigner'' . Les témoignages ne sont sans doute pas représentatifs des habitudes de l'époque puisqu'aussi bien, le registre capitulaire ne consignait que ce qui sortait de l'ordinaire, en plus, bien entendu, de l'inscription des dépenses générales de la cathédrale ou de la collégiale. Aussi bien, les exemples qui suivent ne sont que des épisodes qu'il faudra savoir recentrer dans leur contexte. Ils émanent tous de Gantez, un fameux observateur de son époque, mais surtout le seul qui ait consigné par écrit les us et coutumes de sa corporation. Comme on l'a déjà dit, la responsabilité du maître de musique sur les enfants de chœur est considérable. Il en résulte forcément des abus : ''j'ay veu un Maistre qui ostoit le pain aux enfans de Chœur pour le donner aux siens propres, & pour ce subjet il en fut chassé'' afin que les enfants soient dignes du maître : ''un Maistre qui ne pouvant faire comprendre une notte à l'Enfant, l'arracha avec tout le papier pour la luy faire avaller, en luy disant que puisqu'il ne la pouvoit concevoir par raison qu'il la fourreroit par force dans la teste'' . Mais c'est sans compter avec la force de caractère de quelques-uns. Le Chapitre veille, heureusement pour les enfants. ''Chacun de s'émouvoir : on'' [le Chapitre] ''fit venir les autres enfants qui, interrogés à leur tour, répondirent : "depuis que Mr Louys Lebrun a logé et faict sa despance en la dicte maistrise, Ils sont mal traités et vilipandés par luy; mais que depuis le despart de Mr le Maitre,'' [Jean Mestre] ''il les a excédés touz a grands coups de fouet de baston''. [...]. Le maître de musique doit rester célibataire ou être ordonné : ''un Musicien marié est quasi monstre parmy des prêtres'' . Ses relations avec les musiciens doivent être diplomatiques : ''comme l'on ne prend le poisson qu'avec l'ameçon on ne sauroit gaigner l'amitié des Musiciens qu'avec le verre , lorsqu'un Chantre est en cholere il ne faut que chopine d'huile de sarment pour faire la paix , un Chantre fasché de ce qu'un Maistre ne le fera pas boire si souvent qu'il souhaiteroit, il dira par despit que dans le Mottet il y a des fautes & que le Maistre ne fait ordinairement que chanter la mesme piece , vous sçavez bien qu'il est impossible de faire une bonne Musique avec des Chantres mescontens, car au lieu de dire Fa, ils diront Sol, & les auditeurs vous prendront pour un fat & pour un sot , ceux qui veulent faire cette profession ayent beaucoup d'autres qualités & qui sont autant necessaires comme d'estre courtois, civil & advenant, liberal & particulierement doux, soit envers les Chanoines que Messieurs les Chantres […] Bref la science en toutes choses, c'est d'avoir de l'entregeant, & des paroles de soye'' . Ses compétences doivent être solides pour ne pas être confronté à des compétiteurs de passage : ''un Maistre de Musique ignorant ne fera jamais recevoir dans un Chappitre quelque Chantre bien capable par la crainte qu'il aura d'avoir un compagnon & qu'il ne connaisse ou publie ses deffauts'' , et ses qualités musicales et littéraires sans reproches : ''je vous diray bien que la Musique sans les lettres est un corps sans ame, car la pluspart de nos Maistres pour ignorer le Latin, ils font mille absurditez dans leurs Mottetz, soit à la quantité, ou pour ne pas bien representer le sens de la parole, faute d'en avoir l'intelligence'' . Il doit donner cette impression de stabilité dans le poste qu'il occupe : ''il arrivera qu'après qu'on aura reconnu votre inconstance, les meilleurs Chapitres ne voudront plus de vous & vous serez contraint de vous loger dans les moindres'' , même si cela paraît contradictoire avec l'expérience recherchée par le chapitre. Gantez d'ailleurs se contredit dans la Lettre XVIII, lorsqu'il dit que ''la force d'esprit est qu'il vaut mieux vicarier ou voyager en mangeant de la vache enragée que de faire bonne chere dans un Chappitre & souffrir mille affronts de ceux qui nous surpassent en dignité plutost qu'en qualité''. Il conclut son ouvrage par cette recommandation générale : ''et un maistre de Musique sera vrayment genereux & magnanime lors que dissimulant les affronts des Chanoines, les injures des Chantres, & l'ingratitude de ses escoliers, il ne laissera pas de servir les premiers, supporter les seconds, & oublier les derniers, estant asseuré (cher amy) que cette vertu a tant de pouvoir qu'elle esleve les hommes au plus haut point d'honneur, & abbat le cœur aux ennemys, & bien souvent donne la victoire sans combattre'' . D'une manière générale, le maître de musique devait laisser sa musique, propriété du chapitre. On est loin des droits d'auteur actuels. Jean-Jacques Rousseau, dans ses Confessions (Livre III), raconte à ce sujet les déboires d'un maître de musique de ses amis : :''l'ancien Chapitre de Genève, où jadis tant de princes et d'évêques se faisaient un bonheur d'entrer, a perdu dans son exil son ancienne splendeur, mais il a conservé sa fierté. Pour pouvoir y être admis, il faut toujours être gentilhomme ou docteur de Sorbonne, et s'il est un orgueil pardonnable, après celui qui se tire du mérite personnel, c'est celui qui se tire de la naissance. D'ailleurs tous les prêtres qui ont des laïques à leurs gages les traitent d'ordinaire avec assez de hauteur. C'est ainsi que les chanoines traitaient souvent le pauvre Le Maître. Le chantre surtout, appelé M. l'abbé de Vidonne, qui du reste était un très galant homme, mais trop plein de sa noblesse, n'avait pas toujours pour lui les égards que méritaient ses talents ; et l'autre n'endurait pas volontiers ses dédains. Cette année ils eurent, durant la semaine sainte, un démêlé plus vif qu'à l'ordinaire dans un dîner de règle que l'évêque donnait aux chanoines, et où Le Maître était toujours invité. Le chantre lui fit quelque passe-droit, et lui dit quelque parole dure que celui-ci ne put digérer ; il prit sur-le-champ la résolution de s'enfuir la nuit suivante [...] Il ne put renoncer au plaisir de se venger de ses tyrans, en les laissant dans l'embarras aux fêtes de Pâques, temps où l'on avait le plus grand besoin de lui. Mais ce qui l'embarrassait lui-même était sa musique qu'il voulait emporter, ce qui n'était pas facile : elle formait une caisse assez grosse et fort lourde, qui ne s'emportait pas sous le bras. […] Après avoir passé très agréablement quatre ou cinq jours à Belley, nous en repartîmes et continuâmes notre route sans autre accident que ceux dont je viens de parler. Arrivés à Lyon, nous fûmes loger à Notre-Dame-de-Pitié, et en attendant la caisse, qu'à la faveur d'un autre mensonge nous avions embarquée sur le Rhône par les soins de notre bon patron M. Reydelet. M. Le Maître alla voir ses connaissances, entre autres le P. Caton cordelier, dont il sera parlé dans la suite, et l'abbé Dortan, comte de Lyon. L'un et l'autre le reçurent bien : mais ils le trahirent comme on verra tout à l'heure ; son bonheur s'était épuisé chez M. Reydelet. […] Sa caisse de musique qui contenait toute sa fortune, cette précieuse caisse, sauvée avec tant de fatigue, avait été saisie en arrivant à Lyon, par les soins du comte Dortan, à qui le Chapitre avait fait écrire pour le prévenir de cet enlèvement furtif. Le Maître avait en vain réclamé son bien, son gagne-pain, le travail de toute sa vie. La propriété de cette caisse était tout au moins sujette à litige ; il n'y en eut point. L'affaire fut décidée à l'instant même par la loi du plus fort, et le pauvre Le Maître perdit ainsi le fruit de ses talents, l'ouvrage de sa jeunesse, et la ressource de ses vieux jours'' . Adieu les droits d'auteur, mais ils n'existent pas en ce temps-là. On retrouve quelques témoignages, ici ou là, de l'abandon imposé de la musique composée par le maître, musique pour laquelle le chapitre le rémunère. C'est le cas d'Adrien Allou, maître de musique de la cathédrale de Langres, dont le chapitre décide le 17 janvier 1608 qu'Allou, ''à son départ, devra laisser à la psallette les livres d'hymnes et de motets de sa composition'' . C'est également le cas de François Petouille, maître de musique de 1723 à 1727 à Langres, puis à Notre-Dame de Paris, le chapitre l'ayant invité, par décision du 21 avril 1727, ''à laisser en s'en allant, une partie de sa musique ; et on décida de la faire copier. De plus, on lui demanda plus tard d'envoyer à Langres les compositions écrites par lui pour la cathédrale de Paris'' . A-t-il seulement été rétribué ? ''Dans certains diocèses, ils étaient mêmes tenus par leurs contrats de fournir au Chapitre un certain nombre d'œuvres par an. Au XVIII<sup>e</sup> siècle, on leur demandait, par exemple, de composer chaque année une messe, des vêpres, un ''Te Deum'' et un motet au Saint-Sacrement'' . Mais d'une manière générale, la musique ''quotidienne'' était considérée comme du consommable et ne fut jamais considérée comme étant de grande valeur. Gantez raconte que dans bien des maîtrises, les enfants de chœur se servaient des feuilles de musique pour allumer le feu ; "''les serviteurs, ajoute-t-il, en faisaient des cornets à épices et les maîtres eux-mêmes des passeports pour l'anti-chambre''" . On ne peut terminer ce portrait du maître de musique sans citer, ce que le chanoine Poirier rappelle dans son ouvrage, une anecdote qui pourrait concerner Clément Janequin lui-même : le Chapitre d'Angers mentionne le 25 mars 1534 qu'il est ''enjoint au maître de faire chanter la troisième leçon des Ténèbres en musique selon l'usage'' . En effet, Janequin est donné à cette époque comme ''maître de psallette de la dicte église d'Angiers'' . Certaines maîtrises avaient à leur tête parfois plusieurs sous-diacres : le ''prior'' ou ''primicerius'', le ''secundus'' ou ''secundicerius'', le ''tertius'', le ''quartus'' ou ''archiparaphonista'' et des ''paraphonistæ'', sorte de chefs de groupes. Si cette distinction a été relevée au cours des premiers siècles dans l'organisation de la maîtrise de la cathédrale de Chartres , on ne peut en tirer une règle générale. A Reims, revêtu de la dignité canoniale, présidait bien au-dessus du Maître de musique, une personne ''que l'on appelle indifféremment "Chanoine supérieur de la Maison des Enfants de Chœur, Administrateur de la Messe des Enfants de Chœur, Monsieur le Maître de la Prébende", et dans les documents latins "Officiarius prebendae Puerorum Chori''" . Quelques maîtrises complétaient l'encadrement de la maîtrise avec maître de grammaire, un économe et quelquefois un sous-économe (''bailon'').
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