L'évolution du texte biblique français depuis son origine - Avant le XVIe siècle

De Lamentations de Jérémie.

L'origine de la première traduction tout au moins partielle de la Bible en langue vernaculaire, si l'on fait exception des langues régionales, langue d'oc incluse, remonte au XIIe siècle#1. L'une des premières, la Bible historiale est à l'avantage du chanoine Guyart Desmoulins ou des Moulins#2 (1297). Le texte est le suivant :

Aleth. Comment siet la cite seulle qui estoit pleine de peuple.
& celle qui estoit dame des contrees est faicte sans treu..
Et comment est faicte veufue celle qui estoit dame des gens
Beth. Elle plora plorant en la nuyt et larmes en ses ioues.
Il nest qui la conforte de tous ses amys.
Tous les amys la desprisent et deuindzent ses ennemys.


Ce texte sera imprimé en 1541. Jean de Rély, confesseur du roi, archidiacre de Notre-Dame, puis Evêque d'Angers, a également édité en 1487, à la requête du roi Charles VIII, une version de la Bible historiale de Des Moulins, mais le Livre des Lamentations n'y figure pas#3. L'édition 1496 d'Antoine Vérard (1450?-1513) suit strictement le même texte à quelques lettres près (seule pour seulle, vefue pour veufue, ioes pour ioues, etc.)#4. Elle était dédicacée au tres Souverain seigneur Charles huytiesme de ce nom tres chrestien Roy de France A la louenge de la benoiste trinite de paradis et de vous chier sire.

Ainsi, pendant deux siècles, la traduction fidèle de la Bible latine ne connaîtra pas de succès.


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1. Vers 1100, dans une abbaye normande du sud de l'Angleterre, des disciples de l'archevêque Lanfranc de Cantorbéry traduisent le Psautier dans une langue fort peu différente de celle utilisée en Île de France. Vers 1170, Pierre Valdus, le chef des "pauvres de Lyon", fait traduire des extraits de la Bible pour les gens simples et ignorants (cette initiative sera reprise bien plus tard dans la seconde moitié du 2ème millénaire). Vers 1150, c'est ensuite au tour des Proverbes de Sanson de Nanteuil (version versifiée) et également de la Bible de Saint Jean d'Acre du XIIe (manuscrit & enluminures) qui date de Saint-Louis. Ces versions sont suivies aux siècles suivants, en 1226, par celle de Jean Le Bon (poursuivie au XIVe par Jean de Sy, connu entre 1350 et 1380), en 1250, par celle d'Étienne Langdon de Cantorbéry (la division en chapitres apparaît pour la 1ère fois), en 1297 celle de Guyart Desmoulins – La Bible historiale, en 1377, celle de Raoul de Presles (1315-1382) dédiée à Charles V (sans amélioration par rapport à l'ancienne Bible française), toutes éditées avant l'arrivée de l'imprimerie. Après cette période de codex, il faut citer au début de l'ère de l'imprimerie, en 1476, l'édition du Nouveau Testament par Barthélemy Buyer (début XVe-1483) à Lyon et en 1487, l'édition de la Bible de Jean de Rély (mort en 1499), premier aumônier de Charles VIII, à partir d'un manuscrit tardif de la Bible historiale de Guyart Desmoulins.

2. La bible historiale par Guyart Des Moulins, Paris, 1541, feuillet LXXVIII.v (F-Pn A-279) ; la préface de la 2e édition le présente ainsi : …moi qui suis prêtre et chanoine de Saint-Pierre d'Aire de l'évêché de Thérouanne et suis appelé Guiars des Molins…". Il décède entre 1312 et 1322.

3. La Bible de Jean de Rely, touchante par son inspiration, donnait malheureusement la parole de Dieu fortement mélangée de superfétations et d'altérations humaines. Non seulement elle avait gardé plusieurs des additions de Pierre Comestor, mais encore les contresens y abondaient tellement que des parties entières, notamment les épîtres de Paul, étaient inintelligibles (Histoire de la Bible en France jusqu’au 16e siècle, Daniel Lortsch, Agent général de la Société Biblique Britannique et Étrangère), F-Pn A-279.

4. F-Pn A-273.

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