Juste-Adrien Lenoir de La Fage

De Lamentations de Jérémie.

(Paris 1805 – Charenton 1862) [Lafage]

Compositeur et musicologue français, il est enfant de chœur de l'église de Saint-Philippe-du-Roule dès l'âge de 6 ans, effectue ses études musicales avec François Louis Perne (harmonie et contrepoint) et d'Alexandre Etienne Choron puis en 1828 à Rome avec Giuseppe Baini (style polyphonique du XVIe), revient à Paris l'année suivante, est nommé maître de chapelle de Saint-Etienne-du-Mont, substitue l'orgue au serpent pour accompagner le plain-chant, tient un poste identique à Saint-Francois-Xavier, voyage beaucoup à l'étranger pour étayer ses études musicologiques (Italie, Allemagne, Espagne, Angleterre). Dans son Cours complet de plain-chant#1 (F-Pn, Vmc 3074 (1) p.368), il traite la question des Lamentations de Jérémie dans les termes ci-après.

509. Ce n'est qu'à une époque assez moderne, que presque partout on a pris la coutume d'attribuer aux Thrènes ou Lamentations de Jérémie, qui se chantent aux ténèbres des jeudi, vendredi et samedi de la Semaine Sainte, un chant différent de la récitation ordinaire des leçons dont on s'était jusqu'alors servi pour elles. Celui qu'on adopta fut entièrement modelé sur la mélodie des cantiques évangéliques. Il suffit d'un simple coup-d'œil pour partager en v. le texte musical des Lamentations et y reconnaître l'inchoation, la teneur, la médiation, le retour de la teneur et enfin la terminaison.



Pour les v. plus étendus, où la médiation serait trop éloignée ou trop voisine de la terminaison, relativement à la quantité des paroles, on renouvelle l'inchoation après la médiation, que l'on exprime de nouveau, ou bien à laquelle on substitue un simple prolongement de la teneur.



Le titre se considère comme un v. incomplet et n'a point de médiation :



Les lettres hébraïques indicatrices de la division des v. se chantent toujours de la même manière :



Les mots Jerusalem, Jerusalem, convertere, etc., ajoutés à la fin, se chantent comme un v. complet, la médiation ayant lieu après le second Jerusalem :



Ailleurs on chante le mot convertere, comme le premier Jerusalem.

510. La manière de chanter les Lamentations varie d'ailleurs selon les localités : celle dont nous venons de donner une idée semble la plus simple, la plus noble et la plus pure ; c'est d'après elle qu'ont été conçus d'autres chants, qui sont loin d'être préférables. Dans le diocèse de Paris, où l'on n'admet pas les lettres hébraïques, on termine chaque phrase par une neume qui est d'un assez bon effet.



Comme les Lamentations sont écrites tout au long dans l'office de la Semaine Sainte et qu'on en confie l'exécution aux plus habiles du chœur, il n'est pas nécessaire de s'y arrêter davantage ; on ne saurait cependant trop recommander de ne point altérer, par des additions de notes et des ornements hors de saison, la mélodie si douce et si limpide que nous avons donnée ci-dessus. S'il y avait ici une marche à indiquer, nous ne connaîtrions rien de meilleur à cet égard que de suivre la manière de la chapelle pontificale ; mais à moins d'être fort exercé dans l'art du chant et d'avoir fait une étude particulière des traditions de cette illustre réunion, les légers ports de voix, les appogiatures et les trils que l'on y ajoute ne sont pas abordables et appartiennent d'ailleurs au domaine de la musique ; c'est pourquoi nous ne les reproduisons pas ici. Ce qu'il y a de mieux à faire pour bien chanter les Lamentations, c'est d'entrer profondément dans la pensée de cette magnifique poésie et de se pénétrer aussi du sens que leur donne l'Eglise, qui dans la désolation des Israëlites à la ruine de leur patrie, a voulu rappeler celle qui doit affecter les cœurs des chrétiens durant les jours de la semaine sainte. Tout chantre, quelque consommé qu'il soit, fera donc bien de s'occuper ici par-dessus tout de lex-pression, en la portant à un degré susceptible d'en faire sentir toute la puissance.



1. Cours complet de plain-chant ou nouveau traité méthodique et raisonné du chant liturgique de l'église latine A l'usage de tous les diocèses par Adrien de La Fage.
Et non confundemini in laude ipsius. Ecclesiastic. LI, 37.
Paris Librairie de Gaume Frères, rue Cassette, 4 ? 1855.
p. 368 (Seconde partie : application, usage et composition du plain-chant, Ch VII : Des chants basés sur la psalmodie. Lamentations.

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